Magic vous propose en avant-première et en exclusivité les bonnes feuilles du livre "Detroit Sampler", réédité et enrichi par notre rédacteur Pierre Evil aux Éditions Le mot et le reste. Ici, un passage inédit comparant J Dilla et Moodymann.
Extrait du chapitre «Welcome 2 Detroit (Outro)»
Pourquoi les expérimentations de James Yancey frappèrent-elles autant, ces années-là ? Sans doute parce que, sous leur apparence déstructurée, elles étaient tout sauf l’œuvre d’un anarchiste du rythme. Grandi dans une famille musicienne, multi-instrumentiste, il avait plus de maîtrise du solfège que la plupart des beatmakers hip-hop. Ce n’était donc pas par ignorance qu’il biseautait ses breakbeats et faisait boiter ses rythmiques. Ni même pour se révolter contre un carcan de règles trop rigides.
C’était, plus profondément, par volonté de faire resurgir de la vie, ou plutôt, du live, dans ce monde de la répétition qu’était alors la production de rap – un monde de collages et de manipulations sophistiquées, mais qui étaient avant tout des constructions de producteurs, sans l’alchimie particulière de la musique jouée live. Une alchimie après laquelle courait la petite phalange de producteurs de hip-hop fascinés par le jazz au début des années 1990, mais qui n’imaginaient pas en retrouver la vibration particulière autrement qu’en invitant dans leurs studios de vrais musiciens du genre, comme le firent Q-Tip et Ali en 1991 sur The Low End Theory, l’album le plus emblématique de ce rêve de fusion entre l’univers des samplers et celui des quartets.