Cheveu – Bum

On savait que Cheveu était fou. Le premier album paru en 2008, poisseux et tordu, menait droit à la camisole. 1000 (2010) jouait sur la schizophrénie avec un noise rock démonté qui se mêlait à des lignes de cordes faussement innocentes. Comment la folie de Cheveu allait-elle s’exprimer cette fois-ci ? C’est probablement un hasard, mais la chanson Bonne Nuit Chéri (qui clôt 1000) nous donnait un indice. On y entendait des chœurs féminins curieux qui annonçaient les délires vocaux dans lesquels Cheveu s’enfonce aujourd’hui avec Bum. La voix de David Lemoine a toujours était un élément central : jamais à sa place, tantôt clownesque, tantôt possédée, tandis qu’il la triture sur scène avec ses machines inquiétantes. Ici, dès l’inaugural Pirate Bay, le chant est mixé en avant, presque clair, tandis que l’instrumentation est étrangement propre. Cheveu aurait-il déjà perdu sa sève rock’n’roll ? Pas le moins du monde, le trio n’ayant même jamais été aussi perché. Tout au long de Bum, qu’il faut apprivoiser progressivement, un foisonnement de cris, de chœurs, d’onomatopées et de flow sculpte des compositions toujours de traviole.

 Monsieur Perrier est ainsi un casse-tête de cordes vocales et Slap And Shot nous mord au cou. D’une finesse rare mais également totalement débridée, la production de ce disque est prodigieuse, à la mesure du génie créatif du groupe. Cheveu trace des routes sinueuses en laissant négligemment quelques repères pour mieux nous happer. Polonia est en ce sens un modèle de chanson : une escalade vers l’inconnu semée d’embûches qui redonne tout son sens au mot épique. Même lorsque le calme revient (Johnny Hurry Up), les pistes restent brouillées et ne reste plus que la fascination pour apprivoiser le mystérieux langage de Cheveu. Un langage qui conserve cependant des mécanismes constants, la musique du trio parisien étant essentiellement pensée comme un jeu, sans cesse régressif, délirant. Bum comporte en effet de grands moments de défoulement, comme Albinos et Blood And Gore. Mais la palme revient à Madame Pompidou, qui cristallise tous les paradoxes de l’œuvre. Quand la sophistication devient puissance, quand l’absurde n’oublie pas l’ingéniosité.



A découvrir aussi