Avec Untitled (Halo), Cameron Winter ou encore Clavicule, voici les sorties que Magic a récemment fouiné et qui n'ont pas eu la chance de paraître dans un hebdo imprimé.
22 Novembre
UNTITLED (HALO)
headbanger
(HALOCORP) – 22/11/2024
22 novembre, aux alentours de 18 heures : «Jules ! J’ai trouvé ton nouveau groupe préféré, ça ressemble grave à bar italia par contre !». Quinze minutes plus tard, nouvelle personne, même discours. «Tu vas aimer ça, c’est bar italia, mais à Los Angeles». Bon, au risque de passer pour un nerd face à mes deux amis précautionneux, je connaissais déjà Untitled (Halo) – et j’étais déjà au courant que la formation, trésor caché de la scène du Sud Californie, ressemblait énormément (jusqu’à leurs portraits photo, c’est dire…) au groupe que l’on couronnait comme étant le meilleur de 2023. Alors, comment juger ce headbanger, deuxième EP de la bande formée par Ariana Mamnoon, Jack Dione et Jay Are ? C’est comme bar italia, certes – pensez shoegaze pour cool kids, chant tricéphale un peu faux mais toujours séduisant, ambiance lascive et délétère –, mais avec des boîtes à rythmes à la place des batteries. C’est comme bar italia, parfois vraiment beaucoup comme bar italia – osez me dire que blunt subconscious n’a pas été composé dans le même immeuble Londonien que Jezmi, Sam et Nina –, mais ça n’en fait pas un mauvais projet pour autant. J’ai envie de dire «bien au contraire». Finding god in the cut, emo is good, that’s honey ou même sKill isSue (est-ce une référence à la Sue de The Substance ?) sont de petites bombes en puissance, qui exploseront sans doute pour donner naissance au groupe de l’année 2026 selon Magic. Un paris sur lequel je m’engage rubis sur l’ongle.
Jules Vandale •••••°
SORTIE NUMÉRIQUE
CLAVICULE
Incoming Blaze
(LE CÈPE RECORDS / VLAD) – 22/11/2024
À l’heure où la France sombre de plus en plus dans l’instabilité gouvernementale, avez-vous choisi l’album que vous écouterez lors de la prochaine révolution ? Il faut dire qu’Incoming Blaze, « l’embrasement qui approche » dans la langue de Michel Barnier, apparaît comme idoine. Quatrième album de Clavicule, formation post-garage rennaise – pensez à un mélange entre Shame et A Place to Bury Strangers –, Incoming Blaze séduit par ses explosions de six-cordes, sa basse menaçante, sa batterie explosive et son chant martial. On se retrouve sur la barricade de la place Sainte-Anne ?
Jules Vandale
TWIN BLADE
Lovergirl In A Hater World
(KIDDERMINSTER) – 22/11/2024
Les experts en coutellerie et en joutes médiévales vous le diront : deux lames, ça en jette, mais en combat, ce n’est jamais pratique. Chez Magic, on est plutôt contre cet avis. On va même plus loin : Twin Blade, « lames jumelles » en V.F., c’est foutrement efficace. Alors que 2024 aura sans doute été l’année de l’explosion mainstream de l’hyperpop – comment ça, vous ne connaissez pas Brat, vous ? –, le duo franco-belge se place comme l’une des promesses bien de chez nous du mouvement. Entre BO d’un Coppola (Sofia, pas Francis Ford), PC Music pour se perdre sur Internet passé trois heures du matin, textures oniriques et synthétiques empruntées à la weird pop des années 2010 et chants élégiaques façon Lana Del Rey quand celle-ci s’appelait encore Liz Grant, Lovergirl in a Hater World est un premier EP de fort belle facture, s’illustrant parfaitement par des morceaux tels que In My Head ou No More Tears to Cry.
Jules Vandale
CAMERON WINTER
Heavy Metal
(PARTISAN / PIAS) – 06/12/2024
Attendsquoic’estlemêmemecquichantedansgeese ? Oups, pardon, excusez-moi, je suis tellement sous le choc que j’en ai oublié d’appuyer sur la barre d’espace. On refait : Attends, quoi ? C’est le même mec qui chante dans Geese, groupe dont on a déjà dit beaucoup de bien, notamment pour 3D Country, fantastique album de country post-moderne ? On savait déjà que Cameron Winter avait ce genre de voix bigger than life, mais elle n’avait jamais été aussi centrale que dans cette première échappée solo. Heavy Metal porte parfaitement mal son nom – c’est un album de folk urbaine qui sent le siège en cuir croûté d’un vieux taxi new-yorkais, siège sur lequel des milliers de personnes auront pleuré, rigolé, gueulé, joué, baisé, gerbé, bref, expérimenté toutes les drogues, les situations et les émotions qui parsèment l’univers au cours des nombreuses années de service du tacot. Il donne lui aussi envie de chialer – de joie, le plus souvent, voire parfois de pur éblouissement – grâce à cet instrumentarium aussi rudimentaire que la production du LP : un instrumentarium de bric et de broc, piano perdu dans le temps et guitares dont les cordes lâchent un nuage de poussière à chaque mouvement. Un instrumentarium vaisseau d’une mélancolie qui dévoile tous les recoins de la Big Apple sous un jour nouveau. De la même manière que Grian Chatten s’était accordé le luxe d’une petite pause dans le tumulte de ses Fontaines D.C. pour s’établir comme un soliste de talent, Cameron Winter se fait, avec Heavy Metal, un prénom et un nom par lui-même. Laplusbellepépitedecemoisdedécembre. Pardon. La plus belle pépite de ce mois de décembre.
Jules Vandale •••••°
SORTIE CD, VINYLE ET NUMÉRIQUE
Rattrapages…
CHANEL BEADS
Your Day Will Come
(JAGJAGUWAR) – 19/04/2024
Une fois n’est pas coutume, j’ai envie de commencer cette chronique par la fin. I Think I Saw fait partie de cette catégorie très précise de morceaux qui arrivent à toucher les zones les plus érogènes de mon cerveau, rendant de fait leur écoute régulière nécessaire au bon fonctionnement de mon plaisir personnel. J’ai beau, au moment où j’écris cette chronique, me le passer en boucle depuis – littéralement – trois semaines, impossible de répondre au pourquoi du comment. Trop de raisons de l’aimer, sans doute. La piste de clôture de Your Day Will Come, premier album, long à germer, du New-Yorkais Chanel Beads, est peut-être le summum de ce qu’est sa vision de la pop – une musique post-apocalyptique faite d’autotune spectral, de lancinantes progressions au violon évoquant Steve Reich, sur lesquelles viennent danser samples aventureux, synthés ténébreux, guitares irréelles, percussions non identifiées et autres bidouillages informatiques. Shane Lavers manie l’art du fantomatisme comme personne et livre ici neuf titres qui feront sans nul doute de lui un grand nom de l’hypnagogie musicale dans les années à venir. I Think I Saw y est pour beaucoup, certes, mais on pense également à Police Scanner, Embarrassed Dogs, Unifying Thought ou encore à Coffee Culture, perle instrumentale cyber-jazzy. Un disque à la texture liquide, froide comme l’eau d’un espace liminal amphibie, à même de susciter des rêves humides chez les plus sensibles d’entre vous.
Jules Vandale •••••°
22° HALO
Lily Of The Valley
(TINY LIBRARY RECORDS) – 08/11/2024
Ne vous y méprenez pas, la pochette de Lily Of The Valley est ornée de quelques muguets, mais c’est la musique qui finira par vous cueillir. Témoins d’incessants et angoissants allers et retours dans les hôpitaux de Philadelphie, la faute au cancer du cerveau de sa femme et plus proche collaboratrice Kate Schneider, les dix morceaux du dernier projet de Will Kennedy comptent sans nul doute parmi les plus doux qu’on entendra cette année. Entre slowcore douce-amère, folk sous léger fuzz et indie rock chuchoté, Lily Of The Valley encapsule l’idée de renouveau qui accompagne la floraison de la fleur à clochettes qu’on s’offre traditionnellement le premier jour de mai. On pourrait s’endormir paisiblement sur chacun des chemins que tracent ces guitares pétillantes et cette section rythmique qui donne envie de vagabonder sur un desire path, alors que les voix étouffées, mais jamais étouffantes, de Kennedy et Schneider évoquent d’une manière pleine de tendresse ces semaines qui rappellent que la vie peut passer de la lumière à la pénombre en quelques mots d’un médecin. Un album qui donne surtout envie d’attraper son guide des oiseaux des Etats-Unis et sa paire de jumelles poussiéreuse pour se balader dans un Bird Sanctuary.
Jules Vandale ••••°°