Membre de l’important groupe Aquaserge et collaborateur d’April March, Laetitia Sadier et Bertrand Burgalat (soit une certaine idée de la faune pop), Julien Gasc sort sous son propre patronyme un album dont le titre possède effectivement, comme son CV, des allures de tableau de chasse : Cerf, Biche Et Faon. Mais plutôt qu’un chasseur, le chanteur et homme-orchestre (il joue d’à peu près tous les instruments ici) ressemble à un promeneur qui s’abreuve ici et là. Julien Gasc emprunte avec délicatesse à l’un (Ensemble, adaptation réussie en français de Together d’un Harry Nilsson décidément très réhabilité en ce moment) et à l’autre (les hululements typiques de Robert Wyatt sur le bien nommé Hullo, morceau envoûtant qui conclut l’album). Ainsi, il bâtit un univers personnel et signe un disque important : de ceux qu’on n’avait pas déjà entendu. Cet univers est tantôt impulsif (l’électrique Fuck et son envie de tout casser), tantôt pensif (Canada, qui évoque une maison familiale et la mort d’un grand-père tout en coïncidant avec une rencontre féminine, soit Eros et Thanatos sous un éclairage intime). Sans parler de cette voix, si curieuse. Avec elle, la tentation est grande de faire des manières. Pourtant, au lieu d’être affecté, Julien Gasc s’en sert surtout pour nous présenter naturellement l’étrangeté de ses chansons. Les comptines d’un artiste à la voix d’enfant de chœur, qui a pris un acide et s’est perdu dans les bois pour être retrouvé des années après par son diocèse en compagnie d’un cerf, d’une biche et d’un faon. Mais aussi d’une basse, d’une guitare, d’un piano et d’une batterie. Surprenant Julien Gasc !
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30 avril 2014