Alors que les fêtes se rapprochent et que notre trimestriel de fin d'année suit le même chemin, Magic laisse la parole à ses journalistes pour que ceux-ci vous présentent leur classement des pépites de 2024. Ici, Cédric Barré nous parle de la difficile tâche de ne garder que dix disques quand on voudrait faire un top 100.
Exercice solitaire, vain, futile, subjectif, le top discographique de fin d’année fait tout de même partie de nos petits plaisirs coupables de décembre. Préparé avec sérieux et amour (et mauvaise foi), il engendre inexorablement une fois publié et gravé dans le marbre, frustration, déception et regrets éternels. Dans une année aussi exceptionnelle sur le plan discographique que celle-ci, mettre à l’honneur dix albums, pas un de plus, fut une bataille intérieure constante. Il a fallu se résoudre à écarter des premiers albums fracassants, à bouder des retours éclatants, à disqualifier des coups de cœur excitants parce que faire un top 100 n’était pas la consigne de départ (et chez Magic, on ne rigole pas avec les consignes).
Alors j’ai choisi de me retrancher de la façon la plus honnête possible derrière les disques que j’ai le plus écoutés, qui m’ont le plus émus et qui ont jalonné mon année en accompagnant ses mouvements, épousant ses méandres et ses soubresauts. Contrairement à d’autres, je n’ai pas été Brat, mais plutôt Lives Outgrown, bien plus sensible au mysticisme organique de la grande Beth qu’à l’hyper pop froide de Charlie XCX. Question de génération, tout simplement. D’ailleurs entre Pixies, Kim Deal, les amants terribles Moore/Gordon, Arab Strap, Primal Scream, Tindersticks ou Robert Smith, le quarantenaire que je suis s’est revu au fil des sorties circa 1990 à l’heure des premiers émois musicaux, la magie en moins et le détachement en plus.
Sauf pour le sublime premier album solo de Beth Gibbons donc, mais qui ne figure que sur la troisième marche de mon podium, doublé de peu par les Parisiens de Bryan’s Magic Tears qui signent avec leur deuxième album Smoke & Mirrors rien de moins que le meilleur disque français de l’année. Et pourtant, pour la pop hexagonale (au sens très large du terme), 2024 fut un cru exceptionnel. Au milieu du schlag wave breton de Gwendoline (beau doublé pour Born Bad Records), du rock cynique de Mustang et du spleen grandiose de Grive (le projet d’Agnès Gayraud et Paul Régimbeau), on aurait vraiment aimé inviter sur la photo de famille Montañita, SuperBravo, Garciaphone, Emily Loizeau, EggS, Cosmopaark restés sur le pas de la porte mais comme je vous l’ai dit, chez Magic on ne rigole pas avec les consignes.
Pour conclure, à la première place s’est imposé sur le tard (octobre exactement) Memorial Waterslides de Memorials qui scelle la rencontre explosive de deux multi-instrumentistes de génie, Verity Susman et Matthew Simms qui, au-delà d’un goût prononcé pour le bricolage sonore et les ambiances vintage, ont tous deux une appétence pour le rock bruitiste, lyrique et poétique. Déstabilisant à la première écoute, l’album s’apprivoise doucement avec les suivantes et réussit l’exploit plusieurs semaines plus tard de m’irriter autant qu’il me fascine. Ce sont justement ces aller-retours entre attraction et répulsion, ces glissades entre morceaux de bravoure et zones d’inconfort qui rendent Memorial Waterslides si précieux et familier. Susman et Simms ont composé une musique tour à tour (ou tout à la fois) fragile, contradictoire, lumineuse mais surtout, débordante de vie. Voilà un résumé parfait de mon année 2024.
Le Top 10 de Cédric
- MEMORIALS – Memorial Waterslides
- BRYAN’S MAGIC TEARS – Smoke & Mirrors
- BETH GIBBONS – Lives Outgrown
- FAT DOG – Woof
- SYLVIE KREUSCH – Comic Trip
- GWENDOLINE – C’est à moi ça
- MUSTANG – Megaphenix
- KING HANNAH – Big Swimmer
- GRIVE – Tales Of Uncertainty
- FATHER JOHN MISTY – Mahashmashana