Plus sombre, plus franc et moins dansant, Metronomy publie un septième album qui scanne l'esprit préoccupé de son leader Joseph Mount.
Cette chronique, parue dans notre hebdo pop moderne n°6, est exceptionnellement disponible en accès gratuit et pour une durée limitée.
Le nouvel album de Metronomy, le septième en seize ans, s’ouvre sur Life and Death, qui trouve un écho inattendu dans les souvenirs flamboyants du groupe indie. Sur le refrain, son leader Joseph Mount, l’air grave et angoissé, chante ces paroles morbides : “Oh my god, it’s life and death / Take some pictures of me but then forget about them” («Oh mon dieu, c’est la vie et la mort. Prends plusieurs photos de moi mais ensuite oublie-les»). Une petite phrase qui résonne particulièrement à l’heure où le monde entier, et plus particulièrement nos sociétés occidentales, a été ramené brutalement à ces questionnements existentiels par la pandémie. La mort est revenue brusquement au centre de la vie. À lui seul, le contexte crée un concept et impose cet album, enregistré fin 2020, comme la photographie d’un instant marqué par la crise sanitaire. «La pandémie l’a rendu très personnel», nous assure son auteur. Joseph Mount n’est pourtant pas du genre à se répandre en sentiments. Mais, sa tournée américaine annulée, il s’est retrouvé assigné à résidence, avec femme et enfants, dans leur maison de la campagne anglaise. Là, sans pression extérieure liée à l’industrie du disque, il s’est ouvert. «J’étais suffisamment en confiance pour aborder l’écriture de manière plus honnête», confirme-t-il.
Il est question des petits et grands mensonges dans sa relation à ses enfants, des disputes avec sa fille (et elle sait comment remporter la bataille), de sa relation conjugale, de l’amour qu’il faut entretenir, de désir, de souvenirs du fruit défendu – sur un titre interprété en duo avec Dana Margolin (Porridge Radio), mais heureusement, pour lui et son couple, il en a assez vu (en anglais dans le texte de I Have Seen Enough). Les paroles n’ont jamais été aussi directes et autant inspirées de sa propre vie. C’est inhabituel chez lui et c’est une bonne surprise. La pochette, une photo prise par sa mère dans le pur style impressionniste – ce pourrait être un tableau de Manet –, donne le ton d’un album sombre et moins dansant. C’est un disque urgent (seulement neuf chansons), organique, folk par moments, rock aussi, qui repose sur la structure piano-guitare-basse, le piano et la basse ajoutant à la tonalité grave de l’ensemble. Joseph Mount se réinvente en crooner. Pour la première fois de sa carrière, il opte pour l’octave la plus basse, et ça lui va bien. Moins extatique et ludique que ses précédents albums, plus dépouillé aussi (à l’opposé du précédent, Metronomy Forever, le plus esthétiquement diversifié de sa discographie), Small World ressemble au point de départ d’un nouveau chapitre. De son propre aveu, Joseph Mount n’est plus un jeune premier, il est temps de mûrir. Il ose même l’expression galvaudée «album de la maturité» et se sert de tous les leviers qui sont à sa disposition pour le prouver. «Le piano en est la parfaite représentation, vous n’entendrez jamais un jeune groupe dire : “Regardez-nous, on est le groupe le plus cool du moment, on a un piano !”», ironise-t-il. La version adulte de Metronomy force notre intérêt.
SORTIE CD, VINYLE ET NUMÉRIQUE LE 18/02/2022