Enfin disponible dans une traduction française, le "Meet Me in the Bathroom" (2017) de la journaliste américaine Lizzy Goodman donne la parole aux musiciens à l’origine du revival rock new-yorkais du début des années 2000.
Et d’un coup l’indie rock se réveille dans la Big Apple. Longtemps endormi, dépassé par le stoner, le rap metal, la pop-punk, le rock originel avait besoin d’une renaissance. Elle nous parvient au début des années 2000, des États-Unis, et plus précisément de New York, avec une flopée de groupes biberonnés au garage rock des seventies et prêts, dès leurs débuts, à partir à la conquête du monde. Des formations «avides de jeunesse et d’abandon», comme le caractérise Lizzy Goodman dans l’introduction de Meet Me in the Bathroom. Si les Strokes mettent le feu aux poudres en 2001 avec leur premier single et EP The Modern Age, toute une «cohorte» marche derrière eux, dans ce New York si «immense et intime», prête à fournir «la bande-son de cette époque si fragile». Cette génération talentueuse était «à la recherche de New York» et, comme l’écrit Goodman, «le temps de quelques années étourdissantes, nous l’avons trouvée». L’autrice tente alors «de restituer cette sensation».
Comme nous l’avions expliqué dans l’article «Revival rock, et les guitares redevinrent mainstream» paru dans le Magic n°226, la Grosse Pomme connaît à ce moment-là un bouillonnement musical formidable, porté par une scène totalement DIY d’où émerge un nombre incalculable de talents. Le livre, dense, de Lizzy Goodman pose des mots simples et justes sur cette effervescence. Avec un parti pris très efficace : l’autrice donne la parole à ceux qui ont vécu, avec elle, cette révolution et cette émergence de groupes à six-cordes. Au total, Goodman interroge plus de 160 personnalités (journalistes, artistes, fondateurs de label, producteurs, agents, costumières, directeurs artistiques, managers, attachés de presse…) et livrent leur témoignage précis. Résultat : nous voici face à 641 pages passionnantes, qui se dévorent véritablement sans peine, et qui offrent, dans une traduction réussie de Jean-François Caro, une mine d’informations sur ce mouvement protéiforme qui va des Yeah Yeah Yeahs à LCD Soundsystem en passant par Interpol.
Au fil de ces quatre parties au rythme rapide, le récit propose une série d’anecdotes uniques, divertissantes, riches qui ravive des souvenirs et nous rend nostalgiques. Il montre aussi l’évolution de la consommation de la musique dans cette décennie où tout bouge si vite. Lizzy Goodman écrit ici un classique, un monument pour les amateurs de musique et pose un regard affectueux sur une époque où le rock était (peut-être) pour la dernière fois au sommet. Où les adolescents ont adulé les dernières rockstars. En fil rouge, l’ouvrage raconte l’histoire des Strokes, devenus une «référence intemporelle», «un phénomène culturel».
C’est d’ailleurs Albert Hammond Jr., le guitariste du groupe, qui raconte peut-être le mieux cette excitation totale dans le New York des années 2000 qui n’existe plus aujourd’hui : «C’était de loin la meilleure période de ma vie. C’était quelque chose de très pur. Avec le temps qui passe et les excès, on perd cette innocence, puis on passe un temps fou à essayer de la retrouver». Des citations aussi fortes, le Meet Me in the Bathroom de Lizzy Goodman en est rempli. Si vous avez vécu de près ou de loin le revival rock au début de XXIe siècle, nous nous permettons un seul conseil : vous ne pouvez pas passer à côté de cette rétrospective précise et touchante.
Meet Me in the Bathroom
Éd. Rue Fromentin, 658 pages
ruefromentin.fr