Alors que les fêtes se rapprochent et que notre trimestriel de fin d'année suit le même chemin, Magic laisse la parole à ses journalistes pour que ceux-ci vous présentent leur classement des pépites de 2024. Ici, Dorian Pike s'interroge sur la mémorabilité des grands disques de cette année écoulée.
Asseyons-nous une minute pour se poser la question : que retiendra-t-on de 2024 d’ici, disons, dix ans ? La Willy Wonka Experience de Glasgow ? Déjà quasi oubliée – injustement. L’épisode des photoshops de la princesse Kate ? Pas certain de vouloir revenir là-dessus, tout est pardonné. La disparition d’une figure politique nonagénaire controversée le 27 décembre en fin d’après-midi ? Pas encore confirmée. Les Jeux Olympiques, peut-être ? Cette année ne restera, à mon humble avis, pas parmi les plus significatives en termes d’événements, de changements sociétaux ou de faits divers marquants. En termes musicaux, en revanche – c’est une toute autre histoire. Entre pop de jeunes, pop de vieux et entre-deux, on a été servis en disques mémorables pour enjoliver une année autrement oubliable.
Si vous avez eu le bonheur de me côtoyer au cours de ces six derniers mois, vous savez déjà ce que je retiendrai de 2024 dans dix ans. À vrai dire, je le savais déjà dès le 7 juin, et personne n’a réussi à me faire changer d’avis ; c’est bel et bien Charli xcx qui mène ce classement, sans surprise. Sans trop s’étendre sur le cas Brat (vous aurez de quoi boire et manger sur le sujet sous peu dans votre boîte aux lettres), il s’agit pour moi d’un disque majeur comme on n’en voit que rarement, et un qui servira comme modèle à la pop de ces prochaines années de la meilleure des manières – avec sincérité, créativité et vulnérabilité.
Dommage pour tous les autres donc, une mauvaise année pour sortir un disque en espérant atteindre le haut des classements. Je pense en particulier à Magdalena Bay et sa spectaculaire offrande qui aurait tout, absolument tout d’un candidat à l’album de l’année dans un monde sans Brat. Synthpop, progressive pop, neo-psychedelia… Peu importe comment on veut le catégoriser, Imaginal Disk trace sa propre route et s’écoute comme ce type de disque qui récompense à chaque écoute et rappelle simplement, à ses meilleurs moments, pourquoi on aime tant la musique et la tristesse que serait une vie sans pop. Et ses meilleurs moments ne se font pas rares.
Ce top 10 accueille un peu plus de pop encore ; très moderne d’abord, avec le nouveau projet de MALVINA nommé après son deuxième prénom, Mercedes, que je présente généralement comme notre Charli xcx française à qui veut bien m’écouter (oui, un des morceaux s’appelle BRAT – oui, c’est le meilleur du disque et oui, il est sorti avant l’autre Brat !). De la pop moins moderne aussi avec nos amis de MGMT et d’Everything Everything qui sortaient leurs premiers disques alors que j’évoluais en petite section de maternelle et CP respectivement – qui restent, quinze ans plus tard, deux groupes plus que pertinents dans leurs domaines de jeu et qui refusent de simplement s’appuyer sur les codes qui ont fait leurs grands jours.
Mais Dorian, aurais-tu donc abandonné la crank-wave pour la pop *insérer émoji effrayé* ? Ne vous en faites pas ! Rien qu’à la troisième place, la relève de cette scène britannique qu’on aime tant (et qui montre quelques signes de fatigue ces derniers temps) pointe le bout de son nez avec English Teacher et son glorieux premier album qui, avec une certaine insolence, donne une leçon de rock indé aux anciens – Mercury Prize dans la poche. Le premier long-format des londoniens de Tapir! n’y vole pas non plus sa place, avec un point bonus pour nom de groupe le plus mignon de l’année – et ce bon vieux Geordie Greep, échappé de black midi, qui soumet une honnête candidature à la question des disques dont on se souviendra en 2034. Une chose est sûre ; Holy, Holy ne quittera pas ma playlist Spotify “En boucle” d’aussitôt.
Les deux places restantes de ce succulent top se retrouvent partagées par les sixièmes albums respectifs de deux chanteuses états-uniennes en solo, tous deux sortis le 22 mars dernier. On en dit quoi, les athé•es ? Il faut dire que j’étais surpris – pour ne pas dire sous le choc – de voir Bright Future d’Adrianne Lenker (ou mon album de l’année immédiat d’alors) battu au glorieux titre d’album de la semaine sur votre hebdo pop moderne de choix par quelconque autre album tant la douceur, l’émotion et la richesse poétique de la leadeuse de Big Thief m’avait secoué. Sauf que l’album n’était pas quelconque ; il était de Julia Holter, et une œuvre inspirée aussi belle qu’étrange, aussi minimaliste qu’orchestrale. Un beau jour pour être en vie, en somme. Et une belle année aussi, finalement !
PS; si vous êtes restés jusqu’au bout d’un article traitant de la musique préférée d’un parfait inconnu, vous semblez valider les deux qualités nécessaires pour apprécier une sélection bonus malheureusement non éligible à cette liste, à savoir la patience et la curiosité. TRANSA est une compilation assemblée par l’organisation à but non lucratif Red Hot en soutien à la communauté transgenre qui rassemble plus d’une centaine de musicien•nes sur 46 titres inédits et quasiment quatre heures de musique. On y retrouve Adrianne Lenker (encore elle !), Alan Sparhawk de Low, Lee Ranaldo de Sonic Youth ou encore André 3000… Un projet ambitieux bien trop important pour le laisser passer sous le radar !
Le Top 10 de Dorian
- CHARLI XCX Brat
- MAGDALENA BAY Imaginal Disk
- ENGLISH TEACHER This Could Be Texas
- ADRIANNE LENKER Bright Future
- GEORDIE GREEP The New Sound
- MALVINA Mercedes
- JULIA HOLTER Something in the Room She Moves
- EVERYTHING EVERYTHING Mountainhead
- MGMT Loss Of Life
- TAPIR! The Pilgrim, Their God and The King of My Decrepit Mountain