Dream Wife, c’est l’histoire d’un fake girl-band monté de toutes pièces par trois étudiantes en art qui cherchaient un prétexte pour une tournée des bars au Canada. Mais la plaisanterie dure désormais sous la forme d’un trio de power pop aux revendications féministes décomplexées.
Ce qui frappe en premier, c’est l’attitude punk et féministe des trois membres du groupe. Elle n’a rien à envier aux Riot Grrls des années 1980. Cheveux teints, crânes rasés, piercings et maquillage à paillettes, à peine la vingtaine, Rakel Mjöll, Alice Go et Bella Podpadec arborent un style qui laisse entrevoir une personnalité très affirmée. Leur nom, Dream Wife, est venu avant même de commencer à composer : «L’idée de la femme de rêve est un terme qui vient des années 1950/1960, explique Rakel, la chanteuse du groupe. Si tu étais un homme, tu voulais une maison de rêve, une voiture de rêve et une femme de rêve. Les femmes étaient vues comme des objets ! On voulait porter un coup aux normes de genres et montrer que les femmes sont multiples et beaucoup plus complexes que ça.»
Rakel, qui vient d’Islande, a rencontré Bella et Alice pendant ses études d’art à Brighton, au cours de l’année universitaire 2014-2015. «Un soir, je suis sortie danser avec Bella, et on parlait d’à quel point on rêvait d’aller au Canada. Et puis on s’est dit que ça serait vraiment cool de créer un groupe et de faire une tournée là-bas !». Elles utilisent cette idée pour leur projet de fin d’année, réalisent un documentaire sur leur nouveau groupe fictif, Dream Wife Go To Canada, inspiré du film This is Spinal Tap. «Notre premier vrai concert, c’était dans un bar là-bas, avec seulement quatre chansons. Quand on est rentrées en Angleterre, on a décidé de transformer ça en un vrai groupe.» Le doc est aujourd’hui perdu sur un disque dur quelconque. Presque personne ne l’a vu.
“Je ne suis pas qu’un corps”
Leurs inspirations vont de Madonna à Bikini Kill, en passant par The Strokes, David Bowie ou Debbie Harry. «Notre musique est un mélange entre la pop et le rock, avec une attitude punk » explique Rakel. Même si elles viennent de faire paraître leur premier album et se sont professionnalisées, les trois musiciennes ont gardé l’identité de leur projet initial : «On ne se prend pas au sérieux. Le jeu reste quelque chose de très important pour nous. Évidemment, il faut prendre notre musique au sérieux mais on fait attention à toujours avoir du recul sur ce qu’on fait». Dans leurs paroles, elles évoquent leurs vies personnelles, entre amitié (sur le morceau Kids), passage à la vingtaine et vie amoureuse (sur le morceau Hey Heartbreaker). Le sexisme qui les touche, ainsi que la plupart des autres femmes de leur âge, est un sujet récurrent. Sur le morceau Somebody, Rakel clame «I am not my body / I’m somebody» («Je ne suis pas qu’un corps / Je suis quelqu’un»). Dream Wife ne s’empêche pas de revendiquer son féminisme haut et fort : «Tout le monde devrait l’être ! Le fait d’être une femme dans un groupe et de ne pas chercher à rentrer dans des cases, c’est déjà être féministe.»
Inspirées par leurs années d’études en art, Rakel, Bella et Alice ne se limitent pas à la musique pour faire passer leur message. Clips vidéos remplis de paillettes et de couleurs pop, style vestimentaire qui reprend les codes punks des années 1980, zines réalisés par Bella et qui parle de leur relation, Dream Wife veut s’essayer à toutes les formes d’expressions. Elles collaborent avec d’autres artistes, pour certain(es) issu(es) de la même école d’art : «On est plus qu’un groupe, c’est presque une famille». Que ce soit sur scène, où elles sautent dans tous les sens, ou en dehors des concerts où elles explosent de rire toutes les cinq minutes, les jeunes femmes affichent une très forte complicité. Les trois Dream Wife ont conscience que leur message résonne fort chez toutes les jeunes femmes qui les écoutent : «La représentation, c’est important, savent-elles déjà. On veut inspirer les filles et créer une génération de femmes qui ne s’excusent pas d’être là et qui jouent de la musique badass !»
● Dream Wife, album paru le 19/01/18
Zoé Pinet