Le premier album de Pj Harvey sorti en 1992 fut aux nineties ce que le Horses de Patti Smith représenta pour les seventies. Un uppercut changeant l'image de la femme, un cri qui inspira plusieurs autres femmes à se libérer.
Peut-on vraiment faire mieux que Dry ? Qu’attendre des démos présentées vendredi sur la version deluxe de l’album à sa sortie et aujourd’hui rééditées en vinyl et CD ? Un nouveau choc, ni plus ni moins. Surtout à une époque où la musique est volontiers autotunée et surproduite pour sonner plus gonflée sur les plateformes de streaming.
La production du disque original (signée Head, Rob Ellis et P.J. Harvey), sortie en 1992, n’était d’ailleurs pas ce qui était le plus réussi dans ce chef-d’œuvre viscéralement punk. Si Dry résonnait déjà aride et écorché vif, ses démos s’embarrassent encore moins d’étoffe superflue. Alors que la pochette de l’album de 1992 montrait la bouche dégoulinante de rouge à lèvres de la chanteuse anglaise, ici, l’artiste apparaît nue dans son bain. Une image qui symbolise bien ce dont il s’agit.
PJ Harvey “back to the bone”
Exit la batterie, l’harmonica, les chœurs, le bruit pré grunge… Réduites à leur strict minimum, avec seulement l’addition d’un peu de violon et d’une guitare supplémentaire sur quelques morceaux, les chansons « back to the bone »frappent avec plus de force encore. On a l’impression d’être seul dans une chambre avec Polly Jean qui nous balance ses paroles sexuelles et agressives à la figure.
Pour exprimer sa colère, la jeune femme de 22 ans ne dispose que de sa voix brute et des cordes de sa guitare rêche. Mais sans filtre ni accessoire, des titres comme Dress ou Hair touchent encore plus aux tripes. Et le talent de la Britannique explose comme une évidence. Dans une même phrase, Pj devient tour à tour offensive et vulnérable, aguicheuse et défiante, frontale et poétique, bouleversante et terrifiante. Elle sait se montrer électrisante en auscultant des émotions souvent tapies dans l’ombre, même en optant pour l’acoustique.
Le titre plus efficace reste la démo de son tube Sheela-na-gig, dans lequel une femme exhibitionniste clame : « Je vais carrément virer cet homme de ma vie. » Des années avant #metoo, la musicienne du Dorset donnait, avec superbe, l’hymne rêvée de la lutte contre le patriarcat.