La diva pop-R'n'B Bonnie Banane et le producteur-chanteur de suaves ballades électroniques Flavien Berger s’associent pour remettre en lumière, le temps d’un concert radiophonique, le répertoire du duo francophone le plus fécond et le plus imaginatif des années 1970. Comme le dit la chanson, «N'ayez pas peur / Ce sera tout à fait comme à la radio».
«Ne suis-je pas prisonnière dans ma propre maison ? Dans la maison des hommes, ne suis pas prisonnière depuis le jour où la nuit est venue ? Geôlier tu es prisonnier aussi, dans une prison tout le monde est prisonnier, patate ! Mais un geôlier, il ne pense pas à s’évader.» Voilà ce que chantait Brigitte Fontaine en 1976, l’année où Michel Sardou cartonnait avec Le Temps des colonies et Sylvie Vartan avec Qu’est-ce qui fait pleurer les blondes. Sous Giscard d’Estaing, il y avait encore quelques restes de l’utopie libertaire de 1968, mais Patriarcat (sur l’album Vous et nous) n’eut bien sûr pas les honneurs des radios, malgré l’écrasante modernité de cette diatribe rappée-slamée sur un beat proto-hip-hop, soulevée par une puissante bassline de synthétiseur. Bien avant #MeToo et le réchauffement climatique, Brigitte Fontaine et son compère Areski abordaient dans leurs chansons expérimentales et poétiques des thèmes qui résonnent fortement avec notre époque : l’écologie, la liberté, le couple, la guerre, le racisme, la recherche du bonheur, les problèmes de communication… Et de manière générale, l’engagement, musical mais aussi philosophique et politique.
Nous sommes des fous vous et nous
«Au départ de ce projet, raconte Bonnie Banane, je voulais que les gens réentendent ces chansons. Que ce soit pour eux l’occasion d’être surpris par la modernité de ce répertoire des années 1970.» La chanteuse parisienne, alliant la puissance soul d’une vieille âme à la Erykah Badu et la théâtralité expansive de Catherine Ringer, a proposé à Flavien Berger cette création radiophonique autour du répertoire de Fontaine & Areski, pour l’Hyper Weekend Festival de Radio France. «En termes de mélodies, je capte les hybridations, les libertés, les choix d’harmonies, nous dit le musicien. Et puis, Brigitte explique qu’elle écrit sur des moments et des états et c’est exactement ce que j’essaie d’atteindre dans mon écriture, qui n’est pas descriptive mais qui donne à visualiser l’instant, à travers des sentiments, un ressenti, un état. Une chanson comme L’Engourdie a une température incroyable.» Parmi un vaste choix d’œuvres de Fontaine et Areski, L’Engourdie (issue de l’album L’Incendie de 1974 et chantée par Brigitte Fontaine) sera d’ailleurs interprétée par Flavien Berger. «On essaie de varier les interprétations, d’inverser les rôles parfois, explique Flavien. On ne veut pas être dans l’hommage, on veut le faire à notre manière, digérer ce répertoire, se l’approprier.»
Donnons-nous à nous, chantons-nous
Pour restituer-moderniser les chansons acides-candides du tandem, nourries de traditions kabyles, d’expérimentations électroniques, d’acoustique raffinée et de comptines populaires, le duo s’accompagne d’une percussionniste, d’un luthiste, d’une harpiste, d’une claviériste et d’un clarinettiste, l’ensemble se transformant ponctuellement en chorale ou en troupe de théâtre, à la manière des performances hybrides des années 1970. Mais avant tout, Banane et Berger ravivent l’idée d’un duo masculin-féminin créatif, attentif et affectueux. Comme dit Bonnie, «on est un duo d’amitié. Moi j’adore l’idée d’un homme et une femme dialoguant. Quelque soit la nature de leur relation».
- EUX ET NOUS, LE 20 JANVIER (21h15) AU STUDIO 104 DE LA MAISON DE LA RADIO
