Frédéric Lo compose souvent pour les autres. Beaucoup. Depuis longtemps. Dans l’ombre. Et quand il se décide à prendre la lumière, elle est tamisée sur cet "Outrebleu", quatrième album solo marqué par les deuils. Il s’y révèle un interprète touchant, soignant ses maux à coup de chansons tristes. Une autre sorte de crève-cœur en somme…
L’Outrebleu est un disque autour du deuil. Ce n’est pas un thème forcément facile à aborder. Comment s’est-il imposé à vous ?
La musique, c’est mon mode d’expression. J’avais besoin de sortir ces chansons. Cela m’était déjà arrivé avec mon précédent disque solo, Hallelujah. J’avais pas mal de chansons qui restaient de côté et je m’étais dit à l’époque : « Tu n’arrêtes pas de faire des albums pour les autres mais tu ne le fais pas pour toi ? Tu es complètement stupide mon garçon. » Le premier titre que j’ai écrit pour cet album, c’est Ne plus penser à vous. C’est globalement sur mes amis qui sont disparus. Quand je repense à eux, ça peut me faire plaisir ou me glacer. Le deuxième morceau, You Look Fresher Now, c’est sur mon ami Marc-Antoine Moreau. Il a été directeur artistique de Bashung sur Osez Joséphine, producteur de la première tournée d’Amadou et Mariam, a bossé avec Damon Albarn. Quand il est mort, à 50 ans, il y a sept ans, il était devenu directeur d’Universal Afrique, il travaillait avec Brian Eno et voulait qu’on fasse un truc ensemble.
Ensuite, il y a eu votre mère et votre sœur aînée...
À trois mois d’intervalles. À un moment, j’ai bien senti que c’était un concept album sur la tristesse et je me suis dit qu’après tout, j’étais libre de l’assumer. Tous ces deuils sont arrivés alors que je sortais d’une réussite artistique avec Peter. C’était comme être dans un grand huit. Mais c’est aussi une énergie. J’ai toujours aimé dans la pop anglaise le fait que cela puisse être enjoué et triste en même temps. Comme Blue Monday de New Order ou l’alliance entre Morrissey et Johnny Marr avec les Smiths. Je pense aussi à Dylan, The Girl from the North Country. Il te lâche un truc un peu lourd mais sans te l’expliquer. J’aime aussi le côté doux-amer chez McCartney, Golden Slumbers.
Votre sœur a beaucoup compté dans votre éducation musicale….
Elle avait sept ans de plus que moi. Son premier grand amour, c’était Alain Wais qui était journaliste au Monde, à Best et aux Enfants du Rock. À 12 ans, je les accompagnais dans les concerts, je côtoyais De Caunes qui avait commencé Chorus avec Jacky. Jacky, il m’adorait. Il était attaché de presse chez Phonogramme. Il s’occupait de Bijou, que j’adorais, il m’avait présenté Serge Gainsbourg qui venait de sortir Rock around the Bunker, un flop monumental. J’étais backstage aux Clash, aux Talking Heads… Le premier concert que j’ai vu, c’était Suicide et Elvis Costello en 1978.