Trois albums en cinquante ans ! La “carrière” de Vashti Bunyan s’explique par un échec commercial à l’origine (son premier LP Just Another Diamond Day en 1970 après quelques singles), suivi d’une résolution à l’anonymat et un repli vers la fondation d’une famille, puis un retour discographique miraculeux trente-cinq ans plus tard (son second album Lookaftering en 2005) et enfin ce nouveau Heartleap, carrément annoncé comme celui des adieux. Pas étonnant alors que les compositions de notre délicate Anglaise, désormais sexagénaire, explorent sans cesse les thèmes de l’errance, de la disparition et de l’isolement, mais aussi des idéaux déçus et de leur acceptation, gage d’un enchantement retrouvé.
Et si Heartleap est effectivement un éblouissement, c’est que cette obsession de l’effacement s’accorde parfaitement à un chant murmuré et melliflu, un ton de berceuse et des arrangements flottants (clochettes fragiles, piano discret, cordes apaisées, flûte rêveuse). Vashti Bunyan rejoint ainsi définitivement la lignée des grands Anglais méditatifs et mystérieux, sortis d’une brume éternelle et inspirante : Robert Wyatt, Mark Hollis ou les groupes Hood et Bark Psychosis. Passée la première impression d’un recueil de comptines somnolentes en comparaison desquelles tout semble agité, un chef-d’œuvre se fait jour : subtil, évocateur et contemplatif, d’un intimisme tout à fait accessible et idyllique. Après avoir subi l’oubli et le temps qui passe et efface tout, Vashti Bunyan est parvenue à l’arrêter avec ce disque suspendu, magnifique et inoubliable. Elle peut désormais se retirer comme annoncé, par choix et non plus par contrainte.