La seule chose qui rapproche "Phonetics On and On", disponible depuis ce 14 février, de son prédécesseur, "Versions of Modern Performance", paru en 2022, c’est Horsegirl. Le très jeune trio américain (Nora Cheng à la guitare, Penelope Lowenstein à la basse et Gigi Reece à la batterie, toutes âgées d’à peine plus de vingt ans) dévoile avec son deuxième LP un disque enfantin dans le meilleur sens du terme, et touche paradoxalement au concept difficile à cerner de l’album de la maturité. Penelope Lowenstein, chanteuse et bassiste du groupe, s’est connectée à un Zoom un jeudi soir à 23 heures, Paris time. Extraits choisis.
Magic : Versions of Modern Performance était un album où il n’y a vraiment pas de place pour respirer, avec d’infinis murs de son, alors que Phonetics On and On ressemble à quelque chose que les Raincoats auraient pu sortir. C’est calme, minimaliste, et il y a un côté… enfantin, même si j’ai conscience que ce terme peut avoir une connotation négative…
Penelope Lowenstein : J’adore le mot «enfantin» justement ! J’aime beaucoup l’art quand il est fait par des enfants, que ce soit musicalement ou visuellement, car il s’agit juste de s’exprimer, sans but particulier, et il y a une certaine distance qui en découle qui est vraiment belle. Et, en tant qu’adulte, on essaie tellement de retrouver ça, mais ça paraît impossible, parce qu’on sur-analyse tout, on a trop d’idées, alors que les trucs des enfants, c’est juste du ressenti brut. Ils essaient d’exprimer quelque chose sans forcément avoir les compétences pour le faire, et ce qui en ressort est tellement beau. Donc on a vraiment voulu embrasser ce côté ludique, cette joie-là, mais sans trop forcer, parce que c’est quand tu te mets à forcer ton art que ça peut devenir mauvais.
Vous êtes toutes étudiantes en littérature, et je trouve assez intéressant de voir comment ton background étudiant finit par influencer ton écriture. Par exemple, je pense à un groupe français qui s’appelle Feu! Chatterton, où les membres, notamment le compositeur, ont fait des études poussées en français, en classes préparatoires. Et dans mes souvenirs, le groupe utilise souvent des mots et des phrases sophistiquées, avec un côté grand art. Celle de votre album semble plus simple, plus concise et, comme tu l’as dit, très universelle, ce qui la rend presque instantanément accessible à un large public. C’est un choix délibéré d’adopter une telle simplicité dans tes paroles ?
Au moment où ces chansons ont été écrites, j’étais vraiment toute nouvelle dans mes études universitaires, donc je pense que maintenant, je ne sais pas si j’aborderais les paroles de la même manière. Et ce genre d’écriture super littéraire avec de gros mots compliqués, si ça ne vient pas d’un endroit authentique et que ça a l’air un peu forcé, ça peut vraiment être décevant, et, en tant qu’auditeur, tu finis par te sentir déconnecté de la musique. Ce genre de trucs me fait juste rire. Pour moi, la part littéraire de l’album est probablement dans les paroles les plus simples, genre “da da da da da”, “la la la la”, “2468”, les rudiments. La répétition du langage et les sons du langage, évidemment. “Phonetic”, c’est dans le titre, ça parle de ça, des rudiments et des sons du langage. Donc, ce serait ça le point d’entrée le plus littéraire de nos paroles. Ce qui est marrant, parce que c’est aussi le plus enfantin, comme on le disait plus tôt.
Vous avez enregistré en compagnie de Cate Le Bon. Quel a été pour toi son meilleur conseil ?
Dès le premier jour, on a simplement discuté avec elle de la session. Et elle nous a dit : «Tant que c’est ludique, on va passer un super moment. C’est tout un truc de trouver un son, une texture, ou un élément inattendu qui surgit juste en jouant dans le studio, et de suivre sa trace». Et elle nous coachait pour ça, on enregistrait à trois, puis on essayait un truc, ça ne collait pas, et on recommençait. Il s’agissait de trouver ce petit truc qui venait parfaitement compléter ce qu’on avait déjà et de ne pas trop compliquer l’ensemble. Elle nous a aussi dit que ce qu’on fait à trois, ça sonnerait toujours un peu bancal et déguingandé, qu’on n’avait même pas besoin d’essayer de rendre ça brouillon intentionnellement, parce que ça l’était déjà. Alors elle nous a dit : «Vous aurez beau essayer quelque chose de plus poli, de plus sophistiqué, ça va toujours sonner bizarre. Gardez cette qualité». Et on a juste répondu : «Ok, d’accord». On a beaucoup apprécié son discours. Avant même qu’on bosse avec elle, elle nous avait fait une playlist, avec The Fall, Television Personalities, des trucs vraiment dingues, et donc on s’est dit : «Ok, elle nous comprend parfaitement».
Retrouvez l’interview complète dans notre hebdomadaire numéro 112, disponible le 21 février !