Après sept années d’absence discographique, le collectif canadien – au grand complet – publie son cinquième album. Coup de cœur magic !
Par Vincent Théval
Broken Social Scene s’est formé en 1999 à Toronto, sous l’impulsion de Kevin Drew et Brendan Canning, avant d’agréger au fil des ans une somme considérable de musiciens qui déploient leurs talents ailleurs et avec d’autres. En somme, Broken Social Scene est à la fois un collectif et un supergroupe : s’y côtoient Feist, Emily Haines de Metric ou encore des membres de Do Make Say Think ou Stars. Le big band a été très actif pendant un peu plus de dix ans, où il a – avec d’autres de ses concitoyens, comme Arcade Fire – défini le son de l’époque, un mélange de folk et de rock protéiforme, très orchestré et gonflé d’une énergie revigorante. Mais depuis la sortie de Forgiveness Rock Record en 2010 et la tournée afférente, Broken Social Scene est comme entré en hibernation, ne sortant de son sommeil qu’à l’occasion de quelques apparitions sur scène, surtout à domicile ou dans de rares festivals.
En 2015, l’envie revient, puis la nécessité : “L’élément catalyseur a été les attaques du Bataclan”, explique Brendan Canning, le bassiste du groupe, de passage à Paris en mai dernier. “Ça a été comme un signal : il fallait qu’on redonne des concerts, qu’on injecte un peu de positivité de notre cru. Le groupe, c’est notre lieu et notre moyen d’expression. Pour retrouver le plaisir de jouer ensemble, nous avions besoin d’une pause.” Empathie, positivité et plaisir : sur le papier, les mots-clés de Hug of Thunder, inespéré cinquième album, sonnent comme un succédané de méthode Coué. Sur disque, c’est un enchantement permanent, un shoot d’énergie et d’émotion, un concentré étonnamment cohérent de chansons aux saveurs très différentes, enregistrées par un collectif au sein duquel la plume et les micros tournent. Et ils sont tous là, fidèles au poste : Kevin Drew, bien sûr, grand ordonnateur de ce bouillonnement, mais aussi Feist (qui interprète la sublime chanson titre), Emily Haines et les autres. Si l’album est aussi fort, c’est qu’il agrège des chansons toutes mémorables, chacune différente car arrangée selon ses besoins propres : du plus léger arrangement aux plus folles orchestrations cuivrées avec explosion de batterie, chœurs et guitares. Mais, soyons honnêtes, ce qui rend Hug of Thunder si bouleversant, c’est que c’est un album d’avant. C’est une musique datée, qui représente ce que la décennie 2000 a eu de meilleur, retrouvée ici intacte, avec émotion, non pas renouvelée mais régénérée par une inspiration stupéfiante, une liberté et une inventivité qui soufflent sur les mélodies, les arrangements, les harmonies, les ponts ; une musique qui porte son lot d’étrangetés et de fulgurances. Une musique que l’on a aimée plus que toute autre, qui nous a porté et que Broken Social Scene ramène à la vie. Pour sécher nos larmes et nous ouvrir ses bras. Courez vous y lover.
Extrait du n°205 de Magic, à retrouver en kiosque tout l’été !