Le Canadien Owenn Pallett, signature de Domino Records, publie "Island", sans crier gare. Un excellent album de pop orchestrale pleine d'oxymores.
L’élégance. Toujours, quand il s’agit d’Owen Pallett. La virtuosité, aussi. Les orchestrations grandioses, faussement minimalistes, les ballades ombrageuses, avec ce juste dosage de gravité, comptent parmi les griffes du musicien torontois. Island, son cinquième album en quinze ans, annoncé et publié par surprise ce vendredi, coche toutes les cases, plus sombres encore, mais l’ambition est ailleurs. « J’ai finalement fait un classique », dit-i.el sans détours. Vous avez bien lu, l’utilisation du pronom non-genré figure dans le communiqué de presse qui accompagne l’album. Enregistré avec le Contemporary Orchestra de Londres aux studios Abbey Road, Island force l’oxymore. L’ex-Final Fantasy, violon d’Arcade Fire et arrangeur de talent (Daphni, Christine and The Queens), réussit son pari de faire un album tout à la fois dépouillé, dense et orchestral, troquant son instrument de prédilection pour une guitare sèche. Une première. Le résultat est remarquable. Le successeur du très autobiographique In Conflict (2014) – qui levait le voile sur sa santé mentale – couve depuis plusieurs années. I.el l’annonçait déjà fini en septembre 2017. Island est présenté comme la suite narrative de son troisième album, Heartland (2010). Pallett renoue avec Lewis, un jeune fermier bagarreur qui habite la terre fantasmagorique de Spectrum, où règne le dieu tout puissant Owen. Le premier, qui pensait pouvoir défier le second, finit par se brûler les ailes sur le bien nommé Lewis Gets Fucked Into Space. Qu’est-i.el devenu ? Ces quelques vers sur l’outro In Darkness nous mettent discrètement sur la voie : “Let me be your anchorite, floating above the sea / Let me be your confessor / Lay your burdens down on me” (Laisse-moi être ton anachorète, flottant au-dessus de la mer / Laisse-moi être ton confesseur / Repose sur moi tes fardeaux). Lewis se prendrait-i.el pour Dieu ? L’issue est déconcertante, autant que l’album a la première écoute. Il faut s’y attarder pour être emporté. À coup sûr.