Subissant les effets indésirables de la paresse médiatique, Jessica Pratt est rapidement associée aux noms de Joan Baez ou Joni Mitchell. Certes, l’Américaine s’inscrit dans une tradition folk héritée des années 60, mais il s’agit plutôt de celle des poètes de l’intime (Nick Drake, Jackson C. Frank ou Syd Barrett).
Et s’il faut citer une femme, pourquoi ne pas amener dans le petit jeu des références le nom de la grande Vashti Bunyan, avec qui elle partage un attachement fondamental à la pudeur. D’ailleurs, Jessica Pratt n’était pas particulièrement destinée à une carrière de musicienne puisqu’elle a été découverte grâce à un concours de circonstances par le rockeur californien White Fence (qui créa spécialement un label pour publier son premier disque en 2012, Jessica Pratt).
Un heureux accident qui insufflait aux premiers enregistrements de la résidente de San Francisco une beauté nébuleuse que l’on craignait alors de perdre lorsqu’elle devrait sortir de son appartement pour travailler à la création d’un disque voué cette fois à être écouté. Quoi qu’il en soit, On Your Own Love Again s’engage dans la même direction, celle qui mène vers une musique tellement économe (en émotions ou en arrangements) qu’il est difficile de déterminer d’où elle tient sa justesse.
Parfois, c’est une façon de gratter les cordes (Jacquelyn In The Background), à d’autres moments ce sont quelques notes échappées d’un clavier blotti dans la poussière (Wrong Hand) ou des chœurs fluets (Strange Melody). Mais c’est aussi et surtout cette voix sans âge qui pourrait appartenir à une adolescente introvertie comme à une vieille dame pétrie de sagesse (l’étrange Greycedes).
Un instrument intérieur que Jessica Pratt utilise à la manière d’une brodeuse, dessinant minutieusement des émotions parfois intenses mais souvent volatiles. Ni exclusivement mélancolique, ou joyeux ou sombre ou réservé, On Your Own Love Again est animé d’une force impalpable qui lui permet de dépasser son état de modeste collection de jolies chansons dès lors qu’on accepte qu’il nous file entre les doigts.