(Captured Tracks/Differ-Ant)
Peut-on chroniquer un disque avec justesse en spéculant seulement sur sa pochette ? On serait tenté de l’affirmer grâce au second LP de Juan Wauters. En fond, on reconnaît New York, une intarissable source d’inspiration pour ce résident du Queens. Au premier plan, en pleine lumière, l’intéressé se dresse fièrement sur le capot d’une voiture, les mains dans les poches.
Un visuel qui rappelle l’univers du rap, à la différence près que cette photo brute comporte son lot de détails rigolos qui l’éloignent de l’esthétique travaillée du hip hop. Il n’y a qu’à admirer sa bouille à la Jonathan Richman ainsi que son accoutrement tout droit sorti d’un épisode de Seinfeld.
Une dégaine de poète loufoque soulignée par la typographie enfantine de son patronyme et du titre de l’album. Conclusion potentielle : Juan Wauters propose un joli disque éclairé et sans fard avec l’aplomb d’un troubadour pop biberonné à la poésie new-yorkaise. On ne serait pas loin du compte si le contenu était ordinaire. Sauf que Juan Wauters nous sort treize titres d’une telle classe qu’il serait injuste de les réduire à ce(s) cliché(s).
Sa pop minimaliste, inspirée d’une tradition qui irait des Beatles à Adam Green en passant par The Clean, sidère par sa limpidité. Derrière le duo voix-guitare acoustique sans artifice, des arrangements délicats (une basse ici, une caisse claire feutrée là, un orgue rondelet ailleurs) soulignent la démarche de l’ex-leader de The Beets : revenir au cœur même de l’écriture pop, à sa simplicité et à sa fonction de machine à fantasmes.
Alignant tubes (She Might Get Shot, Todo Terminó, Grey Matter) et ballades immaculées (I’m All Wrong, Woodside, Queens, I Was Well), Juan Wauters livre un récital plus profond et sincère que celui du simple poète décalé qu’on imaginait en décryptant sa pochette.