Kathryn Williams – Hypoxia

(One Little Indian/A+LSO/Sony Music)

Composer un hommage à Sylvia Plath pour célébrer le cinquantième anniversaire de la publication de son seul roman, La Cloche De Détresse (1963) : la commande adressée à Kathryn Williams par les organisateurs du salon du livre de Durham avait franchement tout du piège.

Comment, en effet, parvenir à restituer en chansons l’intensité et la violence d’une œuvre littéraire largement autobiographique, sans sombrer dans la répétition affadie ou la fascination un peu malsaine pour le destin tragique de la poétesse suicidaire ? Avec une intelligence artistique exceptionnelle, celle que l’on tient encore et toujours pour une des compositrices les plus sous-estimées de ce siècle, virevolte admirablement au-dessus de toutes ces chausse-trappes.

Fort bien épaulée par son ami Ed Harcourt, qui produit l’album et cosigne un de ses sommets (Cuckoo), Kathryn Williams ne cède jamais à la facilité qui consisterait à suivre le fil narratif originel. Elle propose au contraire une recomposition cubiste et passionnante de l’œuvre en multipliant les points de vue et les angles de lecture, tout en explorant au passage une palette musicale d’une étendue très large et pertinente.

Mirrors évoque ainsi la distance pathologique à soi-même et les états duals de la personnalité avec une grande subtilité, dans un climat instrumental inquiétant traversé par des fragments de guitares et des boucles rythmiques qui ne détonneraient pas chez Portishead. Plus loin, elle se projette tour à tour dans la psyché des principaux personnages avant d’adopter sur The Mind Is Its Own Place une position narrative plus surplombante.

À chaque fois, elle parvient à trouver la distance formellement la plus juste, préférant surligner les émotions à petites doses tout en évitant le pathos d’arrangements trop pesants. Avec cette sensibilité empathique extrêmement touchante, Kathryn Williams livre donc une très belle réinterprétation d’un livre que l’on croyait pourtant indissolublement lié à la personnalité et la trajectoire biographique de son auteur.

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