Il y a quelque chose de totalement désarmant chez Adam Bainbridge, et qui ne se résume pas à son seul nom d’artiste en forme d’ode à la gentillesse. Derrière cette allure de chevelu dégingandé, sa musique donne exactement le contraire de son époque tapageuse, formatée, et en forme de course effrénée au next big thing. Comme une pause vitale au milieu du chaos, l’Anglais compose en mode mineur, chante d’une voix moelleuse, et ne s’embarrasse pas d’appartenir à la moindre chapelle.
Qu’il s’agisse de pop, de disco, de house ou de ballades atmosphériques, le plus important est de donner une cohérence esthétique à l’ensemble. Après World, You Need A Change Of Mind (2012), son premier coup d’éclat hautement apprécié dans nos pages, Bainbridge est parti à la rencontre de son public et de nouvelles têtes ont émergé dans son sillage – en plus de l’ami de toujours Devonté Hynes (Blood Orange). L’idée étant de laisser une grande part de liberté guider son projet, il a eu envie de s’ouvrir à de nouvelles participations et de remettre le facteur humain au cœur de sa musique. Plus organique que son prédécesseur, Otherness place donc ces rencontres au centre de l’album : Ade et Kelela aux voix, les cors de Finn Peters, le chant unique de la Suédoise Robyn, le rappeur ghanéen M.anifest, et un mixage assuré en grande partie par Jimmy Douglass, pointure parmi les ingénieurs du son.
Derrière ce patchwork sensible où Adam Bainbridge s’efface régulièrement au bénéfice de ses participants, filtre une douceur solaire, un sens du groove incarné à travers le collectif Kindness. Des chansons où le rythme évolue en plein cours (8th Wonder), où on se laisse aller à des intros vocales totalement aériennes de deux minutes (sublime Geneva), où les saxos s’autorisent tout (It’ll Be Ok), où les accords de guitare font escale en Afrique (For The Young) et en Suède avec la voix de Robyn. Et encore ces mélodies qui touchent en plein cœur (I’ll Be Back), prouvant qu’Adam est toujours aussi doué lorsqu’il s’agit de parler de sentiments.