Jusqu’à la fin de l’année, les rédacteurs de Magic vont délivrer tous les jours leur Top 2017, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief.
- VINCE STAPLES Big Fish Theory (Def Jam)
- KAYTLIN AURELIA SMITH The Kid (Western Vinyl)
- KENDRICK LAMAR DAMN. (Aftermath)
- MOSES SUMNEY Aromanticism (Jagjaguwar)
- MIGOS Culture (300 Entertainment)
- JUANA MOLINA Halo (Crammed Discs)
- SLEAFORD MODS English Tapas (Rough Trade)
- SHABAZZ PALACES Quazarz vol. 1-2 (Sub Pop)
- PAN DAIJING Lack (Pan)
- GAS Narkopop (Kompakt)
+ Réédition : ALICE COLTRANE – World Spirituality Classics 1: The Ecstatic Music of Alice Coltrane Turiyasangitananda (Luaka Bop)
Des weirdos. Des filles. Des synthés. Des vaisseaux spatiaux. Des soupirs. Le Brexit. Quavo. Les facettes multiples d’une année musicale sans ligne marquante, sans album monstrueux, sans héros évident mais avec en bruit de fond la sourde pulsation d’un monde de plus en plus angoissant, et dont les disques de l’année restituent la folie, le chaos et la diversité.
Mon disque de l’année est une confirmation : celle que Vince Staples est bien décidé à tracer seul son sillon, de Long Beach, CA à London, UK en passant par Detroit, dans les marges floues d’un hip-hop zébré d’electronica et de spleen. Lui n’a pas eu son numéro 1 US cette année, contrairement à Kendrick Lamar et aux Migos, les deux faces d’un hip-hop américain plus créatif, insolent et influent que jamais, qui remue les fesses avec Cardi B, lève le poing avec Run The Jewels, et trippe en apesanteur avec les Shabazz Palaces, le duo d’afronautes de Seattle qui a récupéré les clés de la station spatiale internationale.
Mais dans mes écouteurs cette année il y a eu aussi beaucoup de disques de musiciennes avec de drôles de machines. Au croisement de la musique dite contemporaine (Kaytlin Aurelia Smith), du folk électronique (Juana Molina), d’un noise charnel et organique (Pan Daijing) ou d’un New Age hautement spirituel (les vieilles cassettes d’Alice Coltrane redécouvertes par Luaka Bop), tous ces disques s’écoutent comme des rituels étranges dans lesquels on pénètre avec une légère appréhension, mais qu’on a ensuite peine à quitter.
Enfin, parce que trop d’harmonie ne serait pas 2017, on retiendra également trois disques qui ont ceci de commun qu’ils n’ont rien à avoir : le premier album néo-soul de Moses Somney, parce que l’amour n’est pas mort ; le grand retour du projet Gas de Wolfgang Voigt, parce que l’ambient n’est pas mort (et il est même aujourd’hui probablement le genre le plus influent de la musique qui continue à inventer) ; et le délicieusement crevard English Tapas des Sleaford Mods, parce que, non, le rock n’est pas mort (même si c’est désormais sur les presets d’un clavier pourri qu’il bande encore).
PIERRE EVIL écrit depuis plus de vingt ans sur la musique et les subcultures. Il est l’auteur d’un film pour Arte (Black Music – Des chaînes de fer aux chaînes en or) et de deux livres (Gangsta Rap, histoire du rap californien de Ice-T à 2Pac, en cours de réédition, et Detroit Sampler, exploration de près de cent ans de musique enregistrée à Detroit, toujours disponible). Il tient depuis 2017 dans Magic la rubrique Subbacultcha dans laquelle il déballe à chaque numéro sa bibliofilmodiscothèque subculturelle personnelle.