Derrière ce nom – qui cite Kundera et Hergé ( !) via un jeu de mots improbable – se cache un jeune auteur-compositeur-interprète bien connu ici : Loïk Maille, qui a fait ses armes au sein de The Artyfacts. À l’époque déjà (la fin des années 2000), il ne faisait rien comme les autres. En effet, le Bordelais préférait exhumer avec ses potes un héritage mélodique allant de The Zombies à Bruce Springsteen là où toute la fameuse génération des bébés rockeurs peinait à retranscrire la fièvre punk censée les animer. Les années ont passé et Loïk trace désormais sa route en solitaire, toujours peu concerné par ce qui se passe autour de lui. La preuve avec Marmalade Sculpture (2012), son premier disque sous l’alias Jaromil Sabor où il exécute une pop faite maison qui se démarque par l’intelligence de ses arrangements bricolés. La folie douce qu’on avait alors décelée chez lui s’exprime toujours aujourd’hui sur un second album qu’il signe chez les Belges de Sunny Weeks.
Débarrassée des contraintes du DIY, elle s’émancipe comme sur la chanson délirante Darrell Standing (I Know What You Mean) ou la schizophrène Neither The Sand Nor The Sea. Jaromil Sabor est assez talentueux pour s’amuser du format pop et de ses codes. La Santa Roja prend ainsi la forme d’un capharnaüm rempli d’idées malicieuses qui empruntent de tous les côtés. On peut aussi bien voir les Kinks (Diamond Mind) et la pop sixties revisitée (Midnight Cat et Silly Miss Lizzy) que de l’indie rock (They Told Me Kafka Slept Here) ou du folk lo-fi façon Phil Elvrum (Romainville). Une musique joueuse qui se vit comme une expérience pop dense mais passionnante à décrypter pour peu qu’on se laisse absorber par une production où les arrangements les plus audacieux se succèdent (alternance entre électrique et acoustique, cuivres, instruments-jouets). Plus qu’une simple curiosité, ce disque confirme que Jaromil Sabor est l’un des compositeurs français les plus singuliers du moment.