Jusqu'à la fin du mois, nos rédacteurs résument leur année pop dans un Top 10 de leurs albums préférés. Aujourd'hui, Jean-Marie Pottier ouvre la marche. Le Top de la rédaction est à retrouver dans notre hors-série de fin d'année.
1. CABANE – Grande est la maison [Cabane Records]
2. PHOEBE BRIDGERS – Punisher [Dead Oceans]
3. CALEB LANDRY JONES – The Mother Stone [Sacred Bones]
4. LAURA MARLING – Song for Our Daughter [Chrysalis]
5. LUKE DE-SCISCIO – Good Bye Folk Boy [Autoproduit]
6. ANGELICA GARCIA – Cha Cha Palace [Spacebomb]
7. THOUSAND – Au paradis [Talitres]
8. FIONA APPLE – Fetch the Bolt Cutters [Epic / Sony]
9. DRAB CITY – Good Songs for Bad People [Bella Union]
10. MELENAS – Dias Raros [Trouble In Mind]
En avril dernier, d’estimés confrères me demandaient mes disques préférés du premier trimestre 2020. Huit mois après, les premiers partis sont aussi les premiers arrivés : quatre des cinq disques en question se retrouvent dans mon top 10 annuel, et le cinquième, le bien nommé Immensità d’Andrea Laszlo De Simone, ne doit qu’aux incertitudes de son format (album? EP? grand disque, en tout cas) de ne pas finir joliment rangé dans une case.
La stabilité comme symbole d’un cru 2020 paralysé: en ce qui concerne mon rapport assidu aux nouveautés, l’année a duré trois mois. En partie parce que, comme pour beaucoup, le confinement forcé m’a donné envie de réviser mes classiques, plongée nostalgique dont j’ai tenté de tirer pour ce site une playlist ensoleillée pour île déserte. En partie aussi parce que d’autres projets m’ont incité à écouter davantage de vieilleries, connues par cœur ou jamais écoutées, qu’à scruter fiévreusement la liste des sorties.
Mais, et c’est sans doute la principale raison, parce que ces neuf mois aussi monotones qu’agités ont reprogrammé, temporairement, mon cerveau de mélomane. Ont rendu, pour un temps, presque dérisoire le tic-tac des nouveautés, l’enchaînement teasing-single-clip-single-album. Peut-être parce que (et je ne l’aurais jamais cru, moi qui ai toujours défendu la supériorité du studio sur la salle et méprisé l’album live, au mieux le trou normand d’une discothèque) j’ai ressenti le manque physique de l’étape finale de cette litanie : le concert.
L’envie de voir l’américain Luke De-Sciscio défendre ses trois albums parus en un an (un que j’ai écouté en boucle, deux que j’ai honteusement négligés) et de vérifier sur scène si Caleb Landry Jones, second rôle de choix au cinéma ou dans les séries, était bien un premier rôle de l’année musicale. D’entendre des musiciens faire délicieusement sonner français (Thousand) et spanglish (Angelica Garcia), des Français qui raniment le trip-hop (Drab City) et des Espagnoles la scène C86 (Melenas), de prendre le premier vol pour Kyoto avec Phoebe Bridgers. De se confiner collectivement, durant une ou deux heures, dans les merveilles home-made de Fiona Apple et Laura Marling ou dans la Cabane du belge Thomas Jean Henri. Cela sera pour bientôt, c’est sûr, en ces années forcément folles et foisonnantes qui chasseront, sur nos chaînes hi-fi et dans nos salles de concert, cette année à la fois très courte et très lente. J’ai déjà hâte d’y être.
En bonus :
Une réédition. Celle des deux premiers albums, complétés de raretés, de Pylon. Parce que si R.E.M., au milieu des années 1980, était le plus grand groupe du monde, c’est Pylon qui était le plus grand groupe d’Athens.
Un film. Le Uncut Gems des frères Safdie, pas tant parce que ça serait le «meilleur» (si tant est que ce qualificatif a un sens) film de cette année chiche en sorties que pour la B.O. jouissive composée par Daniel Lopatin.
Un livre. Au mépris de toute déontologie, un qui trône encore sur ma pile «à lire» mais que, au vu du CV de l’auteur (déjà auteur du monumental The Rest Is Noise), je me recommande pour les soirées de couvre-feu du début 2021 comme je vous le recommande: Wagnerism, d’Alex Ross, où comment l’auteur du Ring est devenu le musicien le plus influent de tous les temps.