Jusqu’à la fin de l’année, les rédacteurs de Magic vont délivrer tous les jours leur Top 2017, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief.
- PERFUME GENIUS No Shape (Matador/Wagram)
- LAWRENCE ROTHMAN The Book Of Law (Downtown Records)
- LAURA MARLING Semper Femina (More Alarming Records via Kobalt/Pias)
- LA FELINE Triomphe (Kwaidan Records/!K7)
- KELLY LEE OWENS, Kelly Lee Owens (Smalltown Supersound/La Baleine)
- MAC DEMARCO This Old Dog (Captured Tracks/Different)
- SAMPHA Process (Young Turks)
- PHOENIX Ti Amo (Atlantic Records/Warner)
- BENJAMIN BOOKER Witness (Rough Trade)
- FAZERDAZE Morningside (Gronland)
+ deux morceaux, TSHEGUE, Survivor (Ekler’O’Shock) et MAUD OCTALLINN, Super fière sur mon bulldozer (Ratée production)
En ce début d’année 2017, j’ai été émue par le premier album solo de Sampha au croisement de la soul et du r’n’b. Repéré le visage masqué derrière SBTRKT, il a aussi produit et chanté sur les disques de Drake, Kanye West, Frank Ocean, Beyoncé ou sa sœur Solange. L’artiste londonien, d’origine sierra-léonaise, chante, avec une sensibilité désarmante, sa peine d’avoir vu disparaître sa mère, sans jamais verser dans le pathos. Une démonstration d’élégance.
Dans un autre registre, l’album de Lawrence Rothman m’a lui aussi bouleversée. C’est un personnage flamboyant adepte du travestissement. Il a neuf alter-ego, qui se manifestent au gré de ses humeurs et qu’il met en scène dans ses clips. Quand on le rencontre, on ne peut s’empêcher de se demander qui l’on a en face de nous. Il fait partie de ces artistes intouchables et incarnés, comme Bowie en plus goth. Je vous recommande l’écoute du titre Designer Babies, formidable duo avec Kim Gordon, sur lequel on atteint une forme de transe. Tout aussi poignant, le nouvel album de Perfume Genius, qui rafle la première place de mon classement et sonne comme une respiration dans le parcours cabossé de ce jeune prodige. Son expérience de la dépression, de l’addiction et de la prostitution s’ajoute à la mythologie, avec moins de gravité et plus d’humour qu’à ses débuts.
J’ai aussi suivi la renaissance de La Féline sous les traits d’un autre soi fantasmé, Senga. Dans le clip de la chanson du même nom, une femme complètement nue court à travers les bois, pourchassée par une armée de villageois en colère. C’est dans cette forêt qu’elle a opéré sa mue et enterré ses vieilles rancœurs de petite fille. Un disque épique et extatique, où elle s’autorise plus de groove, de corps et de chair. J’ai aimé le sixième album de Laura Marling qui revêt un caractère existentiel pour son auteur. C’est un disque doux et féminin, où elle partage ses réflexions personnelles et charnelles sur les femmes et leurs libertés. A l’occasion, prêtez une oreille attentive à la série de podcasts Reversal of the Muse, qu’elle réalise sur l’influence des femmes dans la création contemporaine, avec pour invitées Dolly Parton ou encore Emmylou Harris. Autres jeunes femmes à m’avoir touchée cette année : la Néo-Zélandaise Fazerdaze aux influences shoegaze et dream-pop entre The Cure et My Bloody Valentine, et la Londonienne Kelly Lee Owens, qui nous régale avec un premier album qui mélange ambient, house et techno.
Le nouvel album de Phoenix et ses parfums de riviera italienne se devait de figurer dans mon Top 10. Les Français, que je chéris depuis l’adolescence, signent leur disque le plus romantique et sentimental, en hommage à la disco italienne de Lucio Battisti et Franco Battiato. Aussi incontournable cette année, le nouveau Mac DeMarco. L’éternel adolescent, amuseur de service, réussit l’impensable : laisser tomber son air béat pour s’interroger sérieusement sur son avenir. Autre transformation notable cette année, celle de Benjamin Booker, qui troque ses riffs incisifs contre des morceaux pudiques imprégnés de chœurs gospel. Etonnant.
En bonus, deux découvertes. Tshegue est un duo afro-cubain emmené par Faty Sy Savanet, furie punk au physique à la Grace Jones. Le titre « Survivor » est une introduction à leur premier EP furieux qui ravive le blues ancestral, le rock tribal et l’afrobeat. Et enfin Maud Octallinn, repérée sur plusieurs compiles de La Souterraine. Super fière sur mon bulldozer est extrait de son premier album En terrain tendre. Avec son formidable engin de chantier, elle veut tout piétiner, se venger, enterrer le passé puis tout reconstruire. Entre le pardon et l’espoir de vivre d’autres histoires moins dures, une belle montée vers le tendre.