Le label RVNG est déjà une belle usine à musique aventureuse (Julia Holter, Blondes…), mais alors pour ce qui est de sa série FRKWYS, il pousse le bouchon encore plus loin en jetant des ponts entre les générations d’artistes défricheurs, conviant les pionniers et leurs descendants à unir leurs inédites forces de recherche. Par exemple, Sun Araw qui s’acoquine avec The Congos en Jamaïque ou bien Julianna Barwick qui fricote avec Ikue Mori à New York.
Le dernier épisode en date, FRKWYS Vol. 11: Cantos De Lisboa, vaut son pesant d’or puisqu’il nous donne à entendre un duel entre deux maîtres guitaristes. L’ancien se nomme Mike Cooper, manieur de six-cordes britannique agrée depuis cinquante ans, qui a commencé par mijoter dans son jus folk à la Bert Jansch à la fin des années 60 avant de se disperser avec une saine déraison de style en style, d’expériences obscures en improvisations à tout-va, multipliant les collaborations et les pas de côté, pondant par exemple en 2004 un disque de néo-exotica samplée avec Rayon Hula ou en 2011 du blues électro-acoustique à Beirut avec Radio Paradise. Bien loin de ses débuts plus traditionnels avec Trout Steel (1970), donc.
Justement, Trout Steel reste un classique pour l’autre acteur de Cantos De Lisboa, le jeune guitariste américain Steve Gunn, influencé par le free jazz et la musique indienne ou Gnawa autant que par le country blues. Lui a plutôt débuté dans l’expérimentation droguée (le trio drone GHQ) avant de se la donner en solo et de se concentrer sur un songwriting plus (ou moins) classique, gagnant peu à peu le cœur de l’auditeur jusqu’au récent et acclamé Time Off (2013) où il se révèle leader d’un vrai trio.
Or donc, nous y voilà, à FRKWYS Vol. 11: Cantos De Lisboa ! Une association qui a eu pour décor Lisbonne et qui voit l’ancien toujours vert et le prodige en pleine ascension s’accorder sur des thèmes allant du Blues d’un Pony aux arpèges déclinants de Saudade Do Santos-o-Vehlo, de la méditation de Pena Panorama à la pièce électro-chelou The Enchanted Moura en passant par les dissonances théâtrales de Song For Charlie ou Lampedusa 2013.
Si l’alliance de courte durée manque de cohésion et ne surpasse pas les œuvres respectives de chacun, elle offre des moments ensorcelants et constitue une heureuse porte d’entrée, un panel accessible des possibilités offertes lorsqu’une guitare est mise entre les mains d’artisans aventuriers. En écoute intégrale avec un clip flambant neuf :