Jusqu'à la fin de l'année, nos rédacteurs publient le Top 10 de leur année pop. Aujourd'hui, celui de Jérémy Pellet. Le Top de la rédaction sera publié dans nos hors-séries de fin d'année.
- WEYES BLOOD – Titanic Rising [Sub Pop Records]
- CATE LE BON – Reward [Mexican Summer]
- JESSICA PRATT – Quiet Signs [City Slang]
- LANA DEL REY – Norman Fucking Rockwell! [Interscope Records / Polydor]
- TYLER, THE CREATOR – IGOR [Columbia / Sony Music]
- ALEX CAMERON – Miami Memory [Secretly Canadian / Pias]
- KEVIN MORBY – Oh My God [Dead Oceans]
- BRUCE SPRINGSTEEN – Western Stars [Columbia / Sony Music]
- ARIANA GRANDE – thank u, next [Republic Records]
- GANG STARR – One of the Best Yet [Gang Starr Enterprises]
Un paquebot fantôme coulé par quatre mille mètres de fond, et finalement ressuscité. Titanic Rising, le titre donné à la cathédrale pop de l’année, se veut une réflexion sur l’urgence climatique. Il évoque surtout, à portée d’oreilles et d’imaginaire, un naufrage conjuré ; des turbulences intimes que la musique de Weyes Blood drape de toute sa majesté.
Les douleurs faites splendeurs sont vieilles comme la pop. Et pourtant, leurs secrets d’alchimiste nous demeurent inconnus. Mais est-ce bien important ? Les plus belles moissons de la saison 2019 ne demandent rien d’autre à l’auditeur que cette ignorance consentie. Un abandon à des charmes qui se passent d’explication. Il en va ainsi des deux premières places de ce top : les offrandes rituelles de Weyes Blood donc, et les ballades du troisième type que la Galloise Cate Le Bon a ramenées d’une année d’isolement dans le nord sauvage de l’Angleterre.
D’autres ont approché une forme de grandeur un peu moins extraterrestre – et c’est déjà beaucoup. Tyler, the Creator et la surprenante Ariana Grande, tous deux à la dérive dans des fondus au noir vertigineux. Kevin Morby, en troubadour penché sur le berceau de l’Amérique bigote. Ou Alex Cameron, qu’on surprend cette année à grimper au rideau d’une chambre d’hôtel à Miami.
Mais le Titanic sauvé des eaux est aussi, par nature, un splendide mirage. De ceux que les artistes ont le pouvoir de créer en jetant un voile trouble sur la réalité. Bruce Springsteen en sait quelque chose : son Western Stars crépusculaire prolonge, dans les bottes de personnages qui lui ressemblent trop, une œuvre semi-mythologique. À quoi il faut ajouter deux grands albums descendus des collines de Los Angeles pour en raviver les fantasmes. Celui de Jessica Pratt, qu’un rayon de lune aurait fait pousser au milieu des sourdes menaces et des broussailles de Laurel Canyon. Et celui de la diva Lana Del Rey, qui se rêve dans l’âge d’or d’Hollywood. Grand maître de l’illusion, le duo de hip-hop new-yorkais Gang Starr va jusqu’à publier un chant du cygne rappé par une voix qui s’est éteinte il y a neuf ans. Celle de son MC Keith Edward Elam, dit Guru, autre géant disparu que la pop de 2019 fait mine de ramener à la vie.