Alors que débute ce lundi le Pitchfork Music Festival Paris 2023, dont Magic est partenaire, voici le témoignage du programmateur Julien Catala sur la ligne éditoriale de ce festival défricheur.
… Moi, j’ai cette agence de booking qui s’appelle Super. Donc j’ai contacté Chris Kaskie et Ryan Schreiber, de Pitchfork, qui, à l’époque, étaient les deux fondateurs du festival et du site. C’était au début de tous les groupes un peu indie, genre Animal Collective, etc. Je leur ai demandé : «Voilà, est ce que ça vous intéresse de faire un festival en Europe et à Paris ?». Ils m’ont d’abord dit non, car leur audience était uniquement aux États-Unis. Le concept de la chose était vraiment très américain. Mais au fur et à mesure des années, à un moment donné, ils sont venus à Primavera et ils m’ont dit : «Si tu veux, on peut faire un stop à Paris pour se rencontrer». On s’est super bien entendu directement. Et donc c’est comme ça qu’on a décidé de créer le festival ensemble.”
… Il se déroule dans un parc et c’est vraiment un festival de journée. Il se termine avant 22 heures. L’idée derrière l’édition parisienne, c’était de faire un festival beaucoup plus funky. À la base, il y avait beaucoup de groupes américains, donc dans l’idée, c’était de faire plutôt des groupes européens ici, tout en collant à l’esthétique musicale. Le pitch au départ, c’était quand même assez rock, indie. Et puis le festival a évolué avec la musique, et avec le site. On passe d’un truc au départ de plus en plus électro et maintenant de plus en plus hip-hop. On a essayé de suivre un peu la création et ce qui se fait de mieux, là où les les choses sont les plus intéressantes. Il y a quinze ans, c’était Animal Collective ou Ariel Pink. Maintenant c’est plus dans le rap ou l’électro. Je pense que le rock indé se renouvelle peut-être un peu moins, même s’il y a eu Porridge Radio ou ce genre de groupes qu’on a faits au festival. Ces dernières années le plus intéressant c’est l’hybride, le mélange de genres qui ne se sont pas encore faits.”
… Quand tu vois Nation of Language, qu’on a programmé en 2022, c’est vraiment influencé par New Order ou même Joy Division, etc. Il y a pas mal de nouveaux groupes très jeunes qui sont influencés par toute cette pop ancienne, très référencée. Après je trouve ça bien, on peut écouter plein de nouveaux trucs. Je ne me sens pas forcément noyé. Peut-être que le public c’est son cas mais nous, c’est notre travail. Mais c’est sûr qu’il faut du temps pour vraiment tout écouter. Les newcomers ça a toujours été l’ADN du festival et l’ADN du site aussi. On veut essayer de défricher, de trouver des nouveaux artistes qui sont quand même entourés, souvent par un label ou un manager, etc. Il n’y par contre pas tant d’artistes français que ça. Il y en a quand même quelques-uns, mais pas énormément. Après il y a déjà des festivals pour artistes français, comme le MaMA, en octobre. Nous, on a toujours été tourné vers l’international. Il y a beaucoup, beaucoup de groupes qui viennent du Royaume-Uni. Et peut-être de Scandinavie aussi. Mais oui, quand même, en Angleterre, la scène est vraiment géniale. Aussi bien sur le hip-hop, le jazz, le rock. Ce qui est très étrange, parce qu’en plus, les artistes anglais ne sont pas du tout aidés. Il n’y a pas l’intermittence du spectacle comme en France, ni les subventions pour créer des spectacles mais ils tournent tous au début dans des bars. Ca doit être la culture, le fait qu’ils ont tous baigné très tôt dans une culture musicale plus spécialisée qu’en France. Il y a peut être plus de médias qui soutiennent les artistes anglais, en France il y en a, bien sûr, mais en Angleterre il y a BBC Radio 6 par exemple.”
… Tous les ans on courait un peu après les headliners. Les cachets des artistes ont énormément augmenté, les coûts de production pour produire un festival ont tout autant augmenté et on se retrouvait en concurrence avec les multinationales de la musique que sont Live Nation, AEG, etc. On s’est dit que c’était sûrement plus intéressant de revenir vers un truc qui nous correspond plus. Et pour l’Avant-Garde, on voulait vraiment quelque chose dans le XIᵉ parce que les bureaux de Super sont dans le XIᵉ, donc on y est tout le temps. On utilise beaucoup les salles du quartier. On trouvait ça évident d’être dans le quartier Bastille et il y a plein de salles proches les unes des autres. C’est comme un petit village.”
• Pitchfork Music Festival Paris
• 6-12 novembre 2023
• Programme et billetterie