Antoine Loyer, Sauce chien et la guitare au poireau
Antoine Loyer, Sauce chien et la guitare au poireau

Le retour merveilleux d’Antoine Loyer (en excellente compagnie)

"Sauce Chien et la Guitare au Poireau", nouvel album d'Antoine Loyer (Le Saule) est aussi savoureux et coloré que son titre le laisse entendre.

Dans son n°202, celui qui sonnait son retour en kiosque en janvier 2017, Magic, Revue Pop Moderne consacrait un dossier à Le Saule, ce drôle de label indépendant créé en 2008 pour mettre en avant des « artistes revendiquant une chanson libre, à la fois exigeante et populaire ». Depuis, Le Saule ne cesse de défricher et de surprendre.

Nouvelle illustration avec la sortie du nouvel album d’Antoine Loyer, ici avec le trio vocal des Mégalodons malades et son partenaire Bégayer, qui signe la moitié de ce nouveau disque, Sauce chien et la guitare au poireau, paru le 22 janvier.

Après La Soupe à la Grolle ou La Pantoufle est dans le Puits de Forever Pavot, Mr Buffala est un idiome et Autrui Réclame un Concept de Mocke ou le Soleil enculé d’Arlt, on ajoutera donc Antoine Loyer & Mégalodons malades + Bégayer dans la liste des artistes qui mettent un point d’orgue à soigner les titres de leurs chansons. Antoine Loyer avait déjà publié deux albums, Poussée anglaise en 2011 et Chant de recrutement, en 2014, qui n’allaient pas chatouiller les mêmes idiomes.

Antoine Loyer crée des comptines de folk champêtre qui peuvent faire penser à un Philippe Katerine bien plus déjanté que le vrai, à la poésie d’Aksak Maboul ou plus encore à Arlt. Face à une telle œuvre, le chroniqueur se retrouve parfois en panne d’imagination pour qualifier une musique qui, elle, n’en manque pas. D’imagination. Le trio Begayer, qui lui vient des Alpes, mêle bruitisme, dissonances et instruments venant des cultures africaines notamment.

Mais pas de problème : deux exégètes peuvent venir à notre secours. Léonore Boulanger, autre signature de Le Saule, nous explique ainsi que « Antoine Loyer met un scrupule religieux à dire la chose et non pas l’idée de la chose avec un certain goût tantôt pour l’incohérence, en ce qu’elle délie l’enchainement, du dada en somme à contre-mort, apparitions, épiphanies drôlatiques ».

Quant à Sing Sing, membre d’Arlt, il estime, en parlant de Bégayer, que « c’est toute une langue, pauvre, nue et belle, qui avance avec des ciseaux pour ajourer la vie contemplée, éprouvée, pour la révéler dans sa réversibilité à force d’épiphanies patientes ». Et si ces explications vous intriguent, allez donc y voir de plus près en écoutant ce passionnant album.

En 2020, Magic a célébré la scène belge en plaçant Cabane en tête de son classement des albums de l’année. Et 2021 commence avec l’Ovni de cet artiste français exilé en Belgique, un album qui, une fois sa radicalité admise et adoptée, compte des ressources inépuisables grâce à l’inventivité de ses effets sonores, de ses phrasés musicaux et de ses mots au fond si familiers et parfois si enfantins.

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