“Mick Jenkins, meilleur puzzle de l’année” : Le Top 2018 de Julien Bouisset

TOP DE FIN D’ANNÉE. Les rédacteurs de Magic délivrent tous les jours leur Top 2018, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief. Episode 14 avec Julien Bouisset.

 

  1. MICK JENKINS –  Pieces of a Man (Cinematic Music Group)
  2. IDLES –  Joy as an Act of Resistance (Partisan Records)
  3. THE BLINDERS – Colombia (Modern Sky Entertainment)
  4. L.A. SALAMI– The City Of Bootmakers (Sunday Best)
  5. TY SEGALL-  Freedom’s Goblin (Drag City)
  6. JP BIMENI & THE BLACK BELTS – Free Me (Tucxone records)
  7. BLOOD ORANGE – Negro Swan (Domino Records)
  8. FEU! CHATTERTON – L’Oiseleur (Universal Music Division Barclay)
  9. BEACH HOUSE – 7 (Sub Pop)
  10. CLARA LUCIANI – Sainte-Victoire (Initial Artist Services)

+ Le premier double vinyle de The Limiñanas “I’ve got trouble in my mind vol.2” (Because Music)

Hiérarchiser. Distinguer. Répertorier. Attribuer. Catégoriser. Chaque fin d’année est régie à la même enseigne : celle des bilans. 2018 ne déroge pas à la règle, aussi intense fut-elle dans un planning mensuel des sorties auquel j’ai eu accès. Pour Magic, une fois n’est pas coutume, il n’en restera que dix. Dix pour se ramentevoir, d’une oreille fine, et se délecter au grès des mélodies.

La pole position est un exercice délicat, presque à part.  En quoi un album est-il plus légitime qu’un autre pour recueillir toutes les louanges ? Cette année, pourtant, le Pieces of a Man de Mick Jenkins est, de très loin, devant les autres. En tous points. Je m’explique.

Beats calibrés au millimètre, surréalisme poétique, scansion rap survoltés, textes assurément autobiographiques… la recette du second album du rappeur de 27 ans n’est pas le fruit du hasard.  Mieux : ce nouveau chapitre Pieces of a Man a de quoi surprendre.

D’abord, on y trouve dans ses racines le classique éponyme de Gil Scott-Heron, premier album studio sorti 1971, d’où Mick Jenkins tente de presser le nec plus ultra de la négritude de son auteur. Quelquefois la voix du maestro résonne dans celle de son filleul de Chicago, bourré de métaphores et de décryptages sur une Amérique contemporaine, tiraillée entre la brutalité policière, le racisme et le déni de l’art noir. Une terre violente, inégale, pro-armes qui insuffle à ses analystes un sentiment orné d’honte et de haine.

Ensuite, Pieces of a Man doit s’écouter comme lorsque l’on cherche les pièces d’un puzzle immense. Au départ, la main tâtonne. Elle tente de faire le liens entre des bouts, par hasard ou évidence. Mais une fois terminé, l’œuvre rafistolée donne un sentiment de soulagement, de satisfaction inégalée. Remarquons le travail d’orfèvre de Kaytranada, à la production dont les flamboyants Understood et Padded Locks.

Entre le jazz cosmique et le hip-hop emmuré, la poésie et la pop culture, cet album fera date dans la carrière de son auteur. Outre mesure, il marque surtout l’année 2018 d’un point virgule ; dans l’attente, d’un adjacent disque de Mick Jenkins.

JULIEN BOUISSET a plongé tête baissée dans la musique, en avril 1994, à la mort de Kurt Cobain. Depuis, il est devenu musicien, DJ, et surtout journaliste. Il affûté sa plume à Lui Magazine, L’Obs, en passant par Mondomix, Le Bonbon ou encore Schnock. Il a rejoint Magic il y a un an.

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