New Order – Music Complete

(Mute/PIAS)

On n’imagine pas The Rolling Stones sans Keith Richards, The Beatles sans Paul McCartney (pourtant mort depuis 1966 d’après certaines sources), The Beach Boys sans Brian Wilson (et pourtant), The Velvet Underground sans John Cale (sic) ni même The Byrds sans Gene Clark ou David Crosby (resic). Alors New Order sans Peter Hook, pensez donc. Une catastrophe, une trahison à deux voies, une aberration, un crève-cœur, un clou de plus dans le cercueil de la pop moderne. Voilà donc Music Complete, le nouvel album de New Order sans Peter Hook mais avec Gillian Gilbert, absente depuis Get Ready (2001).

Et ce n’est pas tout puisqu’une liste d’invités longue comme le bras (il ne manque que Daft Punk) suffit déjà à débattre pendant de longues minutes. Pour la production et le mixage, le casting est cohérent. De Tom Rowlands (The Chemical Brothers) à Craig Silvey (Arcade Fire, The National, Arctic Monkeys) en passant par Richard X (Pet Shop Boys, MIA, Goldfrapp) et Stuart Price (Les Rythmes Digitales, Madonna), Music Complete a tout d’une superproduction bien gérée. Pour le reste, figurent au générique Elly Jackson (La Roux), Brandon Flowers (The Killers) et Iggy Pop, idole absolue sans qui les Mancuniens (sauf le guitariste, qui est de Salford) n’auraient peut-être jamais existé.

On peut légitimement se demander si ce disque n’est pas aussi une lettre d’amour aigre et déçue à l’encontre du bassiste démissionnaire rien qu’en lisant certains titres (Unlearn This Hatred, Nothing But A Fool) ou en écoutant les paroles (dont certaines nous mettent quasiment la larme à l’œil). Après, c’est toujours un album de New Order, même si le remplaçant Tom Chapman se contente trop souvent de pallier au départ du barbu en repiquant ses plans (qui constituent définitivement l’âme mélodique, guerrière et romantique du groupe) façon pilotage automatique.

On trouve sur Music Complete de très, très grands morceaux (le single Restless en ouverture, le phénoménal Academic ou Nothing But A Fool) qui vous collent aux basques et ne vous lâchent plus dès la troisième écoute, prouvant si besoin que New Order est bien le meilleur groupe de tous les temps. On en pleure d’émotion, de joie, et de tristesse aussi, parce que cette histoire reste un beau gâchis. Le retour à quelques fondamentaux du son de Joy Division – ligne de basse martiale, guitares “infrastoogiennes”, batterie fracturée – prend aux tripes sur Singularity, d’autant plus que la formation fait la jonction avec le futur (donc son passé) via un habillage à la Kraftwerk.

Ensuite, ça se complique un peu quand New Order se targue d’un retour à la dance, à l’électronique, ce qui n’est pas toujours très heureux. S’il demeure des chansons assez bouleversantes (Superheated, Plastic), le vernis et la production nous mettent l’expression “techno à pépé” aux lèvres, comme sur l’irritant et top funky People On The High Line. Et puis il y a le problématique featuring d’Elly Jackson sur Tutti Frutti, qui n’est pas une reprise de Little Richard mais un gros clin d’œil à Relax de Frankie Goes To Hollywood.

Reste le tout aussi contestable Stray Dog, monologue bancal et vain récité par Iggy Pop, dont les sons d’origine sont localisables sur Closer (1980) de Joy Division mais qui n’aboutissent à rien d’important sinon au fait que Ian Curtis a dû en faire un triple salto arrière dans son cimetière de Macclesfield. Au final, un neuvième LP plus curieux et attachant qu’il n’y paraît, où New Order tente insidieusement de nouvelles choses malgré quelques dérapages de choix… et un absent de marque. “Love will tear us apart”, qu’il chantait.

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