NINA, le son de l’arte povera

Alors que NINA, chanteuse de bar italia, sera en concert le 10 mai au Pop Up du Label, nous vous offrons ce portrait que nous dressions à son honneur, le jour de la sortie de "The Twits", deuxième album du groupe londonien, en 2023.

Selon Wikipédia, l’Arte Povera, principal mouvement artistique italien de l’après-guerre, se veut «une revendication du fait que l’œuvre n’est pas grand-chose en elle-même, au sens qu’elle s’ancre dans une démarche globale, que ce soit au niveau de la création, de la diffusion, comme de la réception», basé sur «une volonté de sobriété, à l’instar du minimalisme américain». Loin de nous l’idée de vous faire un cours d’histoire des pratiques culturelles, l’Arte Povera est pourtant l’une des bases de la pratique musicale de Nina Cristante, romaine d’origine, avant que cette dernière ne finisse par former bar italia avec Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton. D’ailleurs, on parle de pratique musicale, mais Nina fait bien plus que ça. La première trace de sa présence sur Internet remonte à 2015, sur un site Web à l’URL énigmatique – www.63rd77thsteps.com – et au contenu qui l’est peut-être encore plus. Outre une œuvre expérimentale au piano, compilation d’exercices d’apprentissage (quand on clique sur le lien suivant : http://zdd.website/, on tombe même sur un gif NSFW – acronyme signifiant «à ne pas consulter au travail» – de Mickey jouant du clavier à s’en faire saigner les doigts), Fitness Povero peut se comprendre comme… un projet visant à promouvoir les exercices physiques à domicile, se focalisant sur «les entraînements indépendants en période d’austérité et de vie active, en éliminant les contraintes économiques par l’utilisation de ce qui est facilement disponible».

Plus qu’une artiste, Nina Cristante se revendique nutritionniste et personal trainer. Ce qui explique sans doute ces étranges vidéos où elle se filme en train d’enchaîner squats, stretches, abdos et autres figures dignes d’une publicité Basic Fit filmée avec un téléphone portable. Et encore, on peut trouver encore plus dérangé, dérangeant, comme le diaporama qui accompagne le titre drama. Thématique : bloc opératoire. Dean Blunt l’ayant prise sous son aile, c’est lui qui, en plus de «sauver» de la disparition totale le LP de Nina Complications (paru en 2017 sur Bandcamp mais rapidement supprimé de la plateforme, certaines de ses pistes seront utilisées sur le Rainbow Edition de Hype Williams sorti la même année), va produire les premières incursions vocales de l’Italienne en solitaire. L’inaugural Romance (2018) ressemble à une bande sonore de western cartoonesque, ce qui rend la voix de Cristante plus dissonante encore. Si on doit à Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton la science «guitarologique» de bar italia, il faut mettre au crédit de Nina l’apport de cette présence si mystérieuse qu’elle en devient parfois incommodante. Là où ses deux comparses donnent l’impression de bâiller plus que de chanter, elle y met beaucoup plus d’application, parfois presque trop, pour un résultat qui interroge autant qu’il fascine. Rien d’étonnant, alors, à ce que les passages les plus saisissants de Tracey Denim et de The Twits sortent de ses cordes vocales.

Et en 2025, quoi de neuf ? Discordia, excellent split EP avec Orazio, dans une veine shoegaze torturé, ainsi que le génial single ‘Till the devil gets bored.