Olivier Rocabois, 2021
© Alain Bibal

À 46 ans, Olivier Rocabois réussit, pour son premier disque sous son propre nom, un pur chef-d’œuvre de pop baroque. Il s’intitule Olivier Rocabois Goes Too Far (Olivier Rocabois va trop loin). Il voit grand. La démesure lui sied à merveille.

Rocabois, ça fait chanteur québécois. Gare aux préjugés : Olivier Rocabois peut rimer avec Charlebois mais ce Breton d’origine, qui habite aujourd’hui à Conflans-Sainte-Honorine, n’est pas le nouveau Garou. Et s’il a un physique à la Philippe Katerine, son truc à lui, c’est plutôt la (belle) pop. 

Celle des sixties, qui savait faire dans la démesure sans tomber de la gonflette. Celle des nineties, très brit, qui l’a bercé à la fin de l’adolescence. En 1993, ce Vannetais d’origine a vécu ce qu’il appelle « une épiphanie pop » en arrivant à Rennes  pour ses études. «  J’avais l’impression d’être au bon endroit au bon moment… J’écoutais l’album des Boo Radleys, Giant Steps. Il y avait plein de concerts (Suede, Blur, Divine Comedy), des groupes locaux comme Lighthouse. »

Le rock et la techno se mélangent, des raves se tiennent en forêt de Brocéliande. Lors des afters, pour redescendre de transes, les mixes font se percuter Coltrane et The Orb avec Nick Drake et John Martyn. Éponge, Olivier Rocabois ingurgite toutes ces rasades musicales. Cette boulimie de musique ne l’a pas quitté depuis.

« La teuf au funérarium »

Elle s’entend dans Olivier Rocabois Goes Too Far, album à l’ambition démesurée où il se frotte à ses idoles et mélange toutes ses influences. Le disque d’un fou de pop qui a réussi à sortir les chansons qu’il portait en lui depuis de nombreuses années. « Une célébration de la vie et une oraison funèbre en même temps, résume-t-il dans un éclat de rire. C’est la teuf au funérarium ».

Ni début ni fin, ce disque est un aboutissement pour ce musicien autodidacte, qui a appris  la guitare avec des tablatures de Bowie et des Beatles. Plus tard, ce sera le piano, devenu son instrument de prédilection : «  Je suis un piètre instrumentiste mais j’arrive à reproduire les mélodies que j’ai en tête, c’est l’essentiel. » 

S’il sort son premier album à 46 ans, Olivier Rocabois a fait ses premières dents dès 1996  au sein des Young Bishops, groupe d’étudiants qui comptait notamment dans ses rangs Nicolas Sauvage, auteur, depuis, de livres sur Paul Weller et Damon Albarn.  Plus tard, à Paris, ce sera les Bisexuals Bikers, plus glam-rock. 

Et puis il y a ce rendez-vous manqué vers 2001. Une de ses chansons est présélectionnée par Record Makers, le label d’Air et Sébastien Tellier, pour paraître sur une compilation… avant d’être écarté du tracklisting. « Elle était trop folk, ils étaient partis sur quelque chose de plus club », se souvient Olivier. 

Olivier Rocabois est breton. Il est donc têtu. Il est aussi, de son propre aveu, «  tout feu, tout flamme : c’est ma nature profonde depuis que je suis gamin ». Ce n’est pas ce raté qui va faire baisser un enthousiasme toujours débordant. 

Un clin d’œil à McCartney

Et même s’il lui faudra une vingtaine d’années encore pour arriver à ce disque solo, il a multiplié entretemps les collaborations avec des groupes mariant pop, musique de club ou italo disco comme Love, le Danse et Kool Bandits. Il créé aussi All If, projet au long cours,  avec qui il sort un album en 2017 et multiplie les concerts.  Mais Olivier Rocabois avait envie de se retrouver aux commandes. 

Sur Olivier Rocabois Goes Too Far, il est seul maître à bord et laisse parler son enthousiasme encore juvénile. Le titre est un clin d’œil à l’un de ses maîtres, Paul McCartney : « Il avait pensé intituler l’album solo qu’il envisageait de sortir en 1965-1966, quand il était encore avec les Beatles, McCartney Goes Too Far », explique ce puits de science pop. 

Ce genre d’anecdote, il les raconte en érudit pop. Ce fan absolu de musique, curieux de tout, cite aussi bien Prokofiev et la musique d’opéra (parmi ses boulots « alimentaires », il a été figurant à l’Opéra de Paris) que la bossa brésilienne et The Left Banke. Il invite aussi sur son disque le Britannique John Howard, une légende du glam et du folk britannique dont peu se souviennent. 

De la théorie à la pratique, la marche est haute. Pas pour Olivier Rocabois. Sur cet album, il se montre à la hauteur de ses ambitions et de ses idoles. Ce n’est pas le moindre attrait de ce disque foisonnant qui ravira les fans de pop, moderne ou pas.

OLIVIER ROCABOIS
Olivier Rocabois Goes Too Far
(ACOUSTIC KITTY / MICROCULTURES) – 05/04/2021

Un autre long format ?