Echappé de The Oh Sees, le duo OCS (John Dwyer et Brigid Dawson) livre un disque brillant, condensé de pop baroque et de folk mélodique qui sera le tapis sonore de notre fin d’année. Joyeux Noël.
Sortir un album le 15 décembre n’est pas nécessairement la meilleure technique pour figurer dans les Tops de fin d’année, tradition certes un peu infantile mais parfaitement jouissive. En faisant paraître la version physique de Memory Of a Cut Off Head à dix jours de la dinde (le disque est déjà en ligne sur les sites de streaming), OCS a couru le risque de devenir la proie des listomanes de février ou avril 2018. Trop tard. Cette chronique ne pourra que lui rendre imparfaitement justice, mais voilà à peu près le seul défaut imputable à l’oeuvre de John Dwyer et Brigid Dawson, échappés de The Oh Sees.
Eloignés de l’esthétique lo-fi mal dégrossie de leurs premiers essais au milieu des années 2000, ils livrent ici une splendide collection de pépites pop et baroques qui, si elle ne donnaient pas parfois l’impression de tenter juste pour le fun une série d’exercice de styles, ne seraient rien d’autre qu’un chef-d’oeuvre à qui l’éternelle jeunesse pourrait être promise. On peut entendre dans ce petit musée pop un condensé des quelques magiciens du genre, les plus esthètes de tout. Presque tout le track listing pourrait y passer : le Nick Drake de Bryter Layter qui serait rejoint sur scène par Oxygen juste pour le refrain (Memory of a Cutt Off Head), Cardinal qui se risquerait au drum’n’bass (Cannibal Planet), un versant androgyne de Thindersticks équipé d’un clavecin (The Remote Viewer), une intro d’Andrew Bird hackée par une expérimentation de l’électronicien Raymond Scott (The Baron Sleeps and Dreams), Elliott Smith qui aurait composé pour Keren Ann et un quatuor à cordes (Neighbour to none), un inédit du David Bowie de la période 1969-1972 (The Chopping Block), Colleen en roue libre avec les expérimentations du Velvet Underground (Time Tuner) et un inédit des Beach Boys composé pour Nancy Sinatra (Lift a Finger by The Garden Path).
L’ensemble conserve une cohérence qui s’appuie sur une dualité troublante (car aiguë) de voix masculine et féminine, un goût pour l’arrangement parfait et un ancrage mélodique toujours subtil. Il y a même, dans quelques fins de morceaux, ces tambourins illuminés qui semblent rendre hommage à la dernière quinzaine de décembre, et nous dire à tous, en duo, à défaut de le faire en choeur : “Joyeux Noël“. Très beau cadeau, merci.