Partitions, le quatrième album d’Orouni, coup de cœur Magic, paraît ce vendredi. A cette occasion, Cédric Rouquette, directeur de la rédaction de Magic, l’a questionné sur les rapports entre son âme de créateur et son dernier ouvrage.
[Cet article est paru initialement dans le Magic n°214 en mars 2019]
Tu t’es imposé beaucoup de contraintes pour ce disque. Pourquoi ? Tu dis par exemple : «J’ai tenté de m’éloigner des codes de la composition. En dissociant ligne mélodique et suite d’accords, en cassant la structure habituelle intro, couplet, refrain.»
C’est plus un cadre global voire un exercice de style que des contraintes. Je voulais intégrer le concept global de séparation dans toutes les chansons, il est au centre du disque. Je ne suis même pas certain de m’être fixé une contrainte, c’est mon esprit qui est comme ça. J’ai un esprit analytique qui sépare les choses. Je suis capable de séparer les aliments dans mon assiette. Je ne mélange pas le fromage blanc et la confiture : je les mets à côté et je les mange séparément. Ouais, c’est grave. Ça a ressurgi quand j’ai attaqué l’album : j’ai voulu séparer les mélodies et les harmonies, les couplets des refrains, Emma de moi. Je vois le monde comme ça. Mais je vois aussi beaucoup de rapports entre les choses, entre la poésie et la musique, le monde visuel et la musique. Ça ne saute pas aux oreilles, mais je fais des relations entre la musique de Chassol ou la poésie de Rimbaud et mes chansons. C’est une base qui sert presque à légitimer mon travail à mes propres yeux. Si je sens qu’il y a une base solide avec plusieurs influences, je me dis que ça va être intéressant.
Le titre de l’album, Partitions, est un jeu de mots ?
C’est un mot qui a un double sens en français mais pas en anglais, où l’écriture musicale se dit “scores”. J’aime bien faire des petits clins d’œil au français, ce n’est pas une langue appropriée pour ma musique mais elle me passionne. Pour le titre du disque, que je voulais synthétiser en peu de mots, j’avais deux options. La première était Decompositions, mais un ami américain m’a indiqué que ça signifiait littéralement la pourriture d’un corps, je ne pouvais pas me permettre un titre d’album repoussoir. Partitions, la deuxième option, est plus scolaire mais c’est musical. Du coup, la première chanson de l’album s’appelle Decompositions.
La pop, reconnais-tu, permet à la fois d’exprimer beaucoup de mélancolie et beaucoup d’euphorie. La mélancolie finit souvent par teinter les chansons de Partitions.
J’essaie beaucoup d’aller contre moi-même, j’écoute beaucoup de musique joyeuse, mais il y a aussi toute une partie de la pop triste mais pas forcément déprimante, avec des accords mineurs un peu rapides, que j’aime aussi. Je me souviens d’un de mes premiers mots-clés quand je voulais définir ce que je voulais sur cet album c’était le mot «noir», et je pense qu’il y a un truc un petit peu noir sur cet album. La pochette est en noir et blanc par exemple, c’est une première pour moi. J’écoute pas mal de musique africaine, sur laquelle circulent aussi beaucoup de clichés sur son côté «joyeux». J’ai fait un DJ set de musique congolaise récemment au Motel, à Paris, il y a des morceaux vraiment tristes qui sont magnifiques, et ça m’intéressait d’essayer d’explorer le côté plus sombre pour aller chercher des émotions pas toujours présentes dans des pop songs.
Propos recueillis par Cédric Rouquette