(Constellation/Differ-Ant)
L’arrivée de Ought dans l’écurie Constellation a représenté une véritable aubaine pour tous les auditeurs lassés du rigorisme instrumental de Godspeed You! Black Emperor et plus largement des post-rockeurs dépressifs issus d’une scène canadienne en manque de sang neuf. Issu du quartier bohème de Mile End à Montréal, ce quatuor énervé et très en verve proposait avec More Than Any Other Day (2014) un croisement explosif et jubilatoire entre le phrasé affolé de David Byrne (Talking Heads) et le post-punk brouillon de Swell Maps, le tout sans aucun égard pour les structures traditionnelles, un couplet valant un refrain et vice versa.
C’est peu dire que Sun Coming Down enfonce le clou. Plus électrique et expérimental que sur le LP inaugural, le groupe s’élance dans des morceaux au long cours, pleins de sinuosités et de montées de fièvre, de motifs répétés en boucle et de revirements abrupts. User du parlé-chanté (faux) et violenter les guitares comme aux grandes heures de la no-wave, telle est l’entrée en matière Men For Miles, qui s’inscrit dans la lignée idéale The Fall/Pavement/Sonic Youth. Passionate Turn, de loin l’extrait le plus mélodique, illustre les trésors d’inventivité du leader Tim Darcy quand il s’agit de saucissonner le chant pour lui donner un relief inédit.
À l’autre bout du spectre, Sun’s Coming Down affiche fièrement ses atours noise en se disloquant sous une pluie de larsens pour retrouver brièvement la lumière à travers quelques chœurs improbables. Avoisinant les huit minutes, Beautiful Blue Sky se structure autour de quelques arpèges de basse obsédants et de guitares en lambeaux mais n’est pas tant le morceau de bravoure attendu qu’une exhortation à vivre le moment présent en laissant libre cours à nos émotions. “I’m no longer afraid to die”, clament-ils avec l’assurance de ceux qui n’ont plus rien à perdre. Ni à prouver.