Quelque part entre Future Islands, Phoenix, Real Estates ou encore Beach Fossils, les nordistes de Pastel Coast soufflent généreusement sur les braises du courant dream pop. Quentin Isidore, tête pensante du quintette, s'est entretenu avec Magic à l'aube de la sortie de leur deuxième album, "Sun", le 4 juin prochain.
Leur nom ne vous dit peut-être pas grand chose. Et pourtant, Pastel Coast ne jurerait sans doute pas au milieu de l’écurie Captured Tracks. A mi-chemin entre dream pop et surf-rock, le groupe de Boulogne-sur-Mer insuffle un vent de nostalgie et de légèreté à une époque que l’on se tarde de voir révolue. Pour autant, la formation emmenée par Quentin Isidore démontre aussi une belle volonté d’affranchissement des codes d’un courant musical que d’aucuns considèrent comme moribond, quand d’autres l’ont déjà relégué six pieds sous terre. Quentin Isidore, leader et fondateur du groupe, nous en a convaincus à l’occasion du présent entretien, à une semaine de la parution du deuxième album de Pastel Coast, Sun (Groover Obsessions et Shelflife Records).
Pastel Coast, voilà un nom aux sonorités balnéaires, qui résonne chez tout amateur d’héritiers du courant dream pop à la Beach Fossils. Pourrais-tu nous en dire plus sur l’origine du nom de ton groupe ?
Quentin : On est basé sur la Côte d’Opale, donc forcément ça fait écho aux couleurs pastel de la côte. Et puis c’est un projet franco-britannique, puisqu’il est chanté en français et en anglais. Donc c’est vrai qu’on a un peu le regard tourné vers la mer depuis Boulogne-sur-Mer, en regardant un peu l’Angleterre et aussi Outre-Atlantique ce qui se passe en Amérique.
Il y a une connexion avec Beach Fossils, The Drums, mais aussi des groupe de synth-pop comme Future Islands ou Black Marble.
La plupart des membres du groupe ont découvert l’album quand on l’a travaillé en live.
Quentin Isidore (Pastel Coast)
Pastel Coast est au départ un projet musical que tu portes seul, tout du moins en studio. Qu’en est-il aujourd’hui, maintenant que Pastel Coast s’est transformé en quintette ? Ton processus de composition a-t-il changé ?
Quentin : C’est toujours un peu pareil puisqu’au final c’est le live qui a changé. On a une présence scénique différente, un plan de scène différent. Mais j’enregistre toujours en home-studio. Sur cet album, j’étais un peu plus seul encore puisque c’était une période un peu compliquée pour se voir tous ensemble. C’est assez rigolo car la plupart des membres du groupe ont découvert l’album quand on l’a travaillé en live.
D’ailleurs, qu’est-ce qui t’a poussé à faire évoluer Pastel Coast en groupe ?
Quentin : C’est vraiment une volonté de partager un peu plus la musique, et le moment aussi. J’avais déjà fait une petite tournée en solo, avec une vingtaine de dates. Quand on est tout seul dans la voiture pour aller jusqu’à la salle de concert, tout seul en backstage, et qu’ensuite on monte tout seul sur scène, ce n’est pas très humain. J’avais aussi besoin d’avoir un esprit de groupe. Même si les compositions viennent de moi, on recrée le set en live, tous ensemble. Et c’est à ce moment-là que les cinq cerveaux fonctionnent. Parfois on fait des compromis, on essaie de trouver des solutions là où ça pose problème. Chacun apporte sa petite pierre à l’édifice pour le live.
Le prochain album, Sun (à paraître le 4 juin), apparaît beaucoup plus produit que le premier. Et pour cause, vous avez récemment signé sur deux labels : Groover Obsessions et Shelflife Records. Qu’est-ce qui vous a poussé à signer sur deux labels différents ? Et pourquoi ceux-là en particulier ?
Quentin : On travaillait déjà avec Groover d’une manière générale pour la promotion de notre premier album (Hovercraft ndlr). Et en fait ils ont créé récemment une partie un peu plus « labellisante », qu’est Groover Obsessions. C’était presque une évidence de continuer sur cette lancée pour une production d’album. Et puis Shelflife Records, ce sont eux qui nous ont contactés. Ça s’est fait très simplement alors que j’avais souvent pour habitude de démarcher. On aimait bien ce qu’ils faisaient alors on s’est dit pourquoi pas être le premier groupe de pop française de leur label. On a découvert à ce moment-là que Beach Youth était aussi de la partie. Donc c’est super cool, on est deux groupes français sur le label de Portland.
Je me suis demandé : “Comment on travaille la modernité ?“
Quentin Isidore (Pastel Coast)
A la première écoute de l’album, on est immédiatement frappé par les effets ajoutés à ta voix. Qu’est-ce qui vous a amené à effectuer ce grand virage sonore ?
Quentin : J’avais envie de travailler la modernité. Parce que sur le premier album je faisais surtout des références à une époque peut-être ancienne, même si elle résonne toujours : celle des Cure, des Smiths… Ce genre de choses. Là j’avais envie de me dire : “Bah tiens, qu’est-ce que ça donne Pastel Coast 2.0 ?“. Avec un travail un peu plus actuel, de la pop moderne quoi. Je me suis demandé : “Comment on travaille la modernité ?“. J’ai pas mal regardé comment Philippe Zdar, l’ingénieur du son de Phoenix et Cassius, faisait pour faire sonner les disques. Et c’est comme ça que j’ai procédé pour la réalisation de ce deuxième album.
Sur ce deuxième album, j’ai essayé d’être un peu plus optimiste et d’ouvrir le champ des possibles.
Quentin Isidore (Pastel Coast)
On retrouve chez Pastel Coast, et chez les groupes se réclamant de la dream pop en général, des textes empreints de nostalgie, accolés à un son pour le moins solaire. Comment expliques-tu ce paradoxe ?
Quentin : Je pense que les précurseurs, c’étaient les Smiths (rires). Morrissey travaillait comme ça et je pense que j’étais empreint de ses textes et de cette période-là, malgré mon âge (Quentin est né en 1992, soit cinq ans après la séparation des Smiths en 1987 ndlr). Et je pense que d’une manière générale, la dream-pop et l’indie rock ont aussi cet héritage-là. Boys Don’t Cry des Cure, c’est vraiment un classique.
Sur ce deuxième album, j’ai essayé d’être un peu plus optimiste et d’ouvrir le champ des possibles. C’est-à-dire que par exemple, sur la première chanson, Distance, je dis : “La distance tu peux l’oublier, nous ne sommes pas assez proches.” Rien que sur cette phrase, on peut avoir deux façons de voir les choses. Soit on a besoin de se rapprocher, soit au contraire de se laisser tranquilles. Et c’est ça que j’aime bien aussi, cette culture de l’ambiguïté qu’il y a chez Pastel Coast.
Comment qualifierais-tu tes propres textes ?
Quentin : Sur le premier album (Hovercraft ndlr), c’était un peu plus introspectif. Sur le nouvel album, on a quelque chose de plus détaché, qui parle du quotidien d’une manière générale. Ce n’était pas facile pour moi de décrire ce quotidien parce que j’ai dû vraiment parfois raconter des histoires. J’ai été un peu plus dans le storytelling. Sur Hovercraft, c’était un travail que j’avais pas eu l’habitude de faire.
Concernant les thématiques, je suis très marqué d’une manière générale par la maîtrise du temps, comme beaucoup d’artistes. Sur l’album, il y a une course contre ou avec le soleil. Il y a aussi la question du voyage pensé dans le temps, c’est-à-dire l’aller et le retour. C’est pas tant la machinalité du voyage que le trajet qui m’intéresse.
Et c’est un peu pareil pour les compositions. J’ai essayé de faire en sorte qu’elles soient un peu moins directes et plus marquées par les événements comme un trajet. Il y a beaucoup de mélodies qui se superposent, qui parfois disparaissent, réapparaissent, etc. On est moins sur une base linéaire sur laquelle vient se greffer un même gimmick tout le temps. Il y a peut-être une ou deux chansons dans ce genre ça. Même la chanson Radiant, qui donne cette impression d’être très directe, elle est marquée par tellement d’événements que ça en devient presque quatre chansons en une. C’est ça que j’ai essayé de faire aussi.
J’adore Debussy. Il est sur des schémas de mélodies qui se superposent les uns aux autres, qui n’ont rien à voir et qui retombent toujours sur leurs pattes. C’est vraiment incroyable.
Quentin Isidore (Pastel Coast)
La presse vous compare souvent à Future Islands et Phoenix. On peut aussi citer Real Estate, Beach Fossils ou encore DIIV comme influences apparentes. Dans quelle mesure ces groupes vous ont-ils influencé ?
Quentin : Sur le premier album, il y avait effectivement la volonté de faire écho à tous les groupes du passé. Quand je dis groupes du passé, ça pouvait aussi être les groupes des années 2000. J’avais vraiment du mal à m’en détacher. Là, je me suis permis certaines choses que je ne me serais pas permises avant. Peut-être que j’ai gagné un peu en expérience, je ne sais pas. En tout cas je me suis permis dans la composition de me dire : “Je m’en fiche de ce que vont penser les autres.“C’est nouveau chez moi. J’ai épluché les disques de Phoenix. Que ce soit sur la composition ou sur la maîtrise du mixage, du mastering, du live, c’est vraiment un très bon groupe.
Mais ça aurait pu être un autre groupe ou artiste. J’adore par exemple Debussy. Il n’y a aucun rapport. Ça m’a vraiment marqué aussi parce qu’il est sur des schémas de mélodies qui se superposent les uns aux autres, qui n’ont rien à voir et qui retombent toujours sur leurs pattes. C’est vraiment incroyable.
Donc ce sont plutôt des références lointaines mais que j’ai essayé de mettre en lumière à travers ma composition.
Sur votre premier album Hovercraft, tu chantais parfois en Français, notamment sur La Nuit et Galanterie. Sur le dernier, tous les textes sont en Anglais. Est-ce une stratégie d’exportation à l’international ?
Quentin : Les textes sont plus en anglais c’est vrai. Mais j’ai essayé de mettre en avant un ou deux mots français sur chaque chanson, qui résonnent à la fois en français et à l’international. Par exemples : “rendez-vous“, “aller-retour” ou “amour“. Ce genre de mots assez forts et communs à tout le monde. J’avais vraiment envie de travailler ça. J’ai pas mal cherché les mots qui pouvaient être les plus “impactants”. Souvent sur les refrains d’ailleurs.
J’ai toujours eu un peu peur du vide.
Quentin Isidore (Pastel Coast)
Quels sont vos projets pour la suite ?
Un troisième album. J’aimerais bien faire un album un peu plus minimaliste : choisir une ou deux mélodies, un ou deux instruments, la voix et puis c’est tout. Mais avant ça, j’ai encore beaucoup à apprendre sur les silences et la manière de les mettre en musique. J’ai toujours eu un peu peur du vide. En tout cas je travaille là-dessus.
J’écoute d’autres choses beaucoup plus folles, beaucoup plus acoustiques, pour voir un peu comment je pourrais travailler un Pastel Coast un peu plus minimaliste. Mais j’aurai sûrement changé d’avis dans deux semaines (rires). Il faut encore que je mette ça au clair.
Et sinon j’aimerais bien accompagner un groupe sur pas mal de dates. Ou alors faire une petite tournée en Amérique ou au Canada. Ce sont des choses qu’on travaille avec Groover Obsessions et qu’on aimerait essayer de mettre en avant.