Songs of a lost World
The Cure
Polydor / Universal

“Pesant, lancinant, grasseyant, et long, long, si long” : la chronique (défavorable) de “Songs of a Lost World” par Fred Rapilly

THE CURE
Songs of a Lost World
(UNIVERSAL / POLYDOR RECORDS) – 01/11/2024
CONTRE

Tout ça pour… ça ? Vraiment ? Seize ans d’attente… Remboursé ! Le dernier album de Robert Smith et ses comparses a pour titre Songs of a Lost World («Chansons d’un monde oublié»). Soit. Mais en réalité, après l’avoir écouté, «saigné» comme on dit aujourd’hui, ma conclusion est qu’il devrait être rebaptisé au mieux The Never Ending Litany, au pire Weep, Weep, Weep, Cry and Sob, Again and Again («Pleure, pleure, pleure, pleure, et pleure, encore et encore»).

Ayant été biberonné à The Cure quasi dès le berceau (ok, j’exagère), plongé dans les tourments de l’adolescence au son d’A Forest, écumé les magasins de disques pour mettre la main sur une cassette de Carnage Visors (les vrais fans comprendront !), écouté maintes et maintes fois Pornography (1982) pour en absorber la substantifique moelle, et monté au moins trois groupes inspirés de The Cure (sans aucun succès, évidemment), il y a un vrai étonnement de voir le quasi-unanimisme critique autour de cet ultime (à quel sens du terme?) disque.

Du premier single, Alone, pesant, lancinant, grasseyant, et long, long, si long (6’48’’), à ce qui pourrait être la dernière chanson gravée sur disque, l’interminable Endsong, qui vient mettre un point final à l’album, le sentiment qui prévaut – du moins, chez ma petite personne –, c’est celui-ci : Robert Smith (et ses comparses : Simon Gallup, etc.) m’a trahi, moi et tous les fans de cold wave. Comment The Cure peut-il achever sa carrière, finir sa discographie en étant devenu tout ce contre quoi il s’était créé ?

The Cure devenu ce contre quoi il s’est créé ?

On est bien d’accord : les punks et leurs petits frères, les postpunks, s’étaient lancés en musique en réaction contre les Pink Floyd et autres mammouths du rock progressif, non ? Quand on compare l’énergie, la tension du tout premier morceau du tout premier album de The Cure, 10:15 Saturday Night sur Three Imaginary Boys (le disque avec le frigidaire, le lampadaire et l’aspirateur), à la lente, très lente, si lente et si longue lamentation qu’est Endsong, sa complaisante souffrance, ses riffs de guitare frimeurs, ses nappes de synthétiseurs doucereuses, on se dit que, malheureusement, même nos héros/hérauts ont vieilli.

Bon, tout n’est pas à jeter sur ce disque, nul besoin d’allumer un brasier et de faire un autodafé… Au fil des écoutes, on peut – sur un malentendu – se laisser un tout petit peu séduire par une ballade comme And Nothing Is Forever qui prend son temps pour se déployer, tendre l’oreille aux notes de piano qui débute une autre ballade, I Can Never Say Goodbye.

Mais on zappe Drone:Nodrone qui semble recycler un titre oublié de Pornography, idem avec War Song… Pour être très honnête, ce qu’on espère, c’est un nouvel album de The Cure (il paraît que le groupe en a deux d’avance sous le coude). Et attention, pas dans seize ans ! Sinon, on se reporte sur les collègues de l’époque dite new wave qui, eux, prennent de l’âge sans gémir : New Order (Music Complete, 2015) et Depeche Mode (Memento Mori, 2023).

À vous de voir, ou d’écouter.

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