Pierre Vassiliu, complètement énorme ce mec-là

Born Bad Records réussit, avec douze titres compilés sur “Face B – 1965-1981″, à ressusciter l’héritage de Pierre Vassiliu et rendre justice à sa durable influence.

Ce n’est pas vraiment une surprise de voir un disque de Pierre Vassiliu – qui plus est composé de faces B – sortir en ce début d’année chez Born Bad Records. Le label qui ressuscite à bonne cadence perles et autres raretés françaises, de Clothilde aux  Olivensteins était le seul à pouvoir faire ce travail (lire à ce sujet notre récit dans le n°207 de Magic).

Pour le grand public, à la manière de Patrick Hernandez, Vassiliu c’est l’homme d’un titre. Qui c’est celui-là ?, adaptation du Partido Alto de Chico Buarque, fut, en 1973, l’arbre qui cacha la forêt. Sa discographie est des plus passionnantes, avec ses longs temps morts où le téléphone ne sonne plus beaucoup, mais aussi, avec ses petits bijoux relayés en face B des 45T. Des premières parties de Claude François à celles des Beatles, Vassiliu a divagué entre deux eaux pendant toute sa carrière.

Le réécouter aujourd’hui aide à prendre conscience de l’héritage et de l’inspiration du chanteur, décédé à l’été 2014 à l’âge de 76 ans. Il y a quelque chose de l’ordre du clownesque dans la moustache en chevron de Vassiliu. Katerine est peut-être le prolongement le plus légitime qui nous vienne à l’esprit. Arnaud Fleurent-Didier a rappelé, dans de nombreuses interview, son admiration pour Vassiliu. Il y a du dandy, du romantique aussi. Dans une même chanson, l’auditeur pouvait s’amuser et s’émouvoir. Bertrand Burgalat le place entre Nougaro et Kevin Ayers pour son coté baladin psychédélique.

En vadrouille à Montpellier, trop cru pour la bande FM

Aujourd’hui, les douze titres de Face B – 1965-1981 offrent l’occasion de (re)découvrir une partie de son œuvre, la somme protéiforme d’un artiste qui se plaisait à changer de braquet, de style, divaguant, tergiversant entre chanteur franchouillard, chanteur comique, chansonnier romantique, la carrière et l’ambition de côté. Les titres sélectionnés par Guido Cesarsky d’Acid Arab et de Jean-Baptiste Guillot montrent brillamment toute la palette de Vassiliu. Du trip hippie-rock à la variété assumée comme sur Ne me laisse pas, où son chant s’approche de celui de Balavoine.

On retrouvera l’une de ses perles, En vadrouille à Montpellier, titre à l’allure paillarde façon Colette Renard mais qui est l’un de ses plus beaux. Trop cru et osé pour la bande FM, le titre commence comme une mise en musique du fameux sketch La Drague avec Bedos et Sophie Daumier pour se terminer en un long et jubilatoire orgasme d’une nuit. Sur ces faces B, la famille, les nombreux amis et les femmes, bien-sûr, sont ses principales inspirations : supplice pour le retour de sa femme avec Ne me laisse pas, Sophie hommage à sa fille.

La musique, toujours riche de petits instruments ramenés de ses nombreux voyages, agrémente des scènes de la vie ordinaire comme ce dialogue avec Marie, sa femme sur On imagine le soleil, tout droit sorti d’une scène de Jacques Demy. Il y a aussi  l’idée de terre vierge, de lieu retiré – lui qui avait trouvé la Provence comme refuge – face à un monde qu’il trouvait bien trop terme. Alentour de lune, portrait tragique d’une terre peuplée d’êtres méchants, bêtes et violents, montre aussi un Vassiliu capable d’être grave. Ces douze titres nous révèlent donc un Vassiliu complexe, passionnant, totalement libre, rebattant sans cesse les cartes, entre deux apéros et en de toujours bonne compagnie. Pas que complètement toqué ce mec là.

Benoît Crevits

PIERRE VASSILIU
Face B – 1965-1981
(Born Bad Records)

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