Raoul Vignal a fait paraître ce printemps un troisième album, "Years in Marble" qui, nous raconte-t-il, synthétise son univers.
Raoul Vignal signe son retour avec Years in Marble, un troisième disque aussi gracieux que ses prédécesseurs The Silver Veil (2017) et Oak Leaf (2018), l’éclat pop en sus. Pour Magic, le songwriter lyonnais est revenu sur son rapport au folk, au beau milieu d’une discussion sur la genèse de ce disque.
Ton troisième album porte le nom mystérieux de Years in Marble (années dans le marbre). Quelle histoire se cache derrière cet intitulé ?
Raoul Vignal : Ça reste un peu flou pour moi. J’aime bien cette association de mots. Je pensais à des sculptures dans le marbre. J’imaginais mes chansons un peu comme les sculptures qui restent là dans des blocs de marbre pendant un long moment, avant d’être révélées petit à petit par le travail, l’intuition ou l’inspiration.
Years in Marble apparaît beaucoup plus pop et enlevé que son prédécesseur Oak Leaf, à l’amplitude contemplative. Qu’est-ce qui t’a amené à effectuer ce virage artistique ?
Raoul Vignal : C’est un peu né de la volonté de faire un album qui soit un peu plus immédiat à l’écoute. J’aime beaucoup le deuxième disque que j’ai fait, j’en suis assez content. Mais j’ai bien conscience aussi de la manière dont il a été reçu. Elle n’a pas été mauvaise, mais je trouve qu’en raison de ce côté plus atmosphérique, l’écoute était moins immédiate.
Je me suis dit que pour un troisième disque, l’idéal serait de se trouver un peu à mi-chemin entre le premier et le deuxième. Donc j’ai un peu essayé de ramener ces deux mondes, à savoir composer des morceaux plus incisifs et courts, et à la fois arriver à les habiller avec des arrangements toujours un peu planants. C’est pour ça que j’en suis venu à des structures plus courtes, moins de passages instrumentaux… Je voulais quelque chose d’un peu plus pop.
Tous les jours pendant quasiment un an, j’étais sur ces paroles, je les retravaillais.
Raoul Vignal
Tu as déclaré dans une récente interview que tu n’as “jamais autant passé de temps sur la réécriture des paroles que sur ce disque”. En résultent des textes ciselés, tout en poésie. Quelle importance attaches-tu à l’écriture de tes textes ?
Raoul Vignal : J’ai eu beaucoup de mal à composer ces paroles au tout début. C’était vraiment l’angoisse de la page blanche. La musique était là depuis quelques mois, et je bloquais toujours sur ces paroles. Il a vraiment fallu que j’aille les chercher et les travailler. Il y avait un peu moins ce côté immédiat des paroles qui viennent spontanément. C’étaient des petits bouts, des petites phrases… Tous les jours pendant quasiment un an, j’étais sur ces paroles, je les retravaillais. J’avais envie de proposer quelque chose d’un peu différent de tout ce que j’avais déjà fait. Peut-être quelque chose d’un peu moins abstrait, avec des sens un peu moins cachés qu’à mon habitude. Je pense que c’est quelque chose qui se faisait en parallèle du côté musical de l’album. Je voulais quelque chose d’un peu plus direct et d’un peu plus sensible. J’avais envie que ça se retrouve aussi dans l’écriture des paroles.
Nick Drake mis à part, de quelles influences te réclames-tu sur le plan musical ?
Raoul Vignal : Il y a un côté plus moderne dans le sens où il y a quelques synthés ci et là (rires). C’était peut-être une preuve que je déplaçais mon curseur temporel.
J’ai pas mal écouté Andy Shauf, un musicien de notre temps aux arrangements modernes. Et puis toujours un peu mes grands classiques : Davey Graham, Lee Hazlewood…
Et pour les textes ?
Raoul Vignal : Ces influences viennent un peu de toutes ces dernières années passées essentiellement à lire de la littérature anglophone. Je n’ai pas de références directes, quasiment pas de poésie. Je pense que tout ça est une accumulation de ce que j’ai lu. Et puis ça peut être des choses qui ne viennent pas forcément de la littérature : des films, des dialogues, des mots… J’adore la langue anglaise et j’essaie de lui rendre justice sur ce troisième disque.
Fin 2013, tu as quitté la région lyonnaise dont tu es originaire, pour la capitale allemande, Berlin. Là-bas, ta carrière musicale a pris son envol. Qu’as-tu retiré de ces deux années berlinoises sur le plan artistique ?
Raoul Vignal : C’est un moment où je jouais pas mal en concert dans la ville, à travers tout le circuit de bars et de petites salles qui accueillaient les singer-songwriters de la ville. C’est là-bas que je me suis fait les ongles. Et c’est dans cette ville que sont nées toutes les premières chansons qui ont donné naissance au premier album, The Silver Veil (2017, Talitres). Ça a été un moment où j’ai un peu trouvé ma patte et mon style.
N’est pas une musique que j’écoutais vraiment quand j’étais ado. J’étais plutôt versé dans les musiques à base de guitares électriques.
Raoul Vignal
Plus récemment, tu es revenu t’installer dans ta région natale, à mille lieux de l’effervescence urbaine. Dans quelle mesure ce retour au vert a-t-il influencé la composition de Years in Marble ?
Raoul Vignal : Ça a été bénéfique dans le sens où, comme on avait de l’espace dans la maison, on a pu enregistrer l’album vraiment en petit comité. Il y avait Lucien Chatin qui m’accompagne à la batterie sur scène et sur disques depuis 2017 à peu près, et un autre colocataire musicien qui s’appelle Matteo Fabbri, qui a pas mal de projets de groupes, et est notamment ingé son.
On a enregistré l’album dans le salon. Je suis sorti de ma chambre et c’est Anne-Laure Étienne, notre photographe, qui a réalisé la pochette. Donc c’était vraiment l’occasion de se retrouver un peu au calme et de pouvoir travailler sans trop de souci.
Comment es-tu venu au folk ?
Raoul Vignal : Je suis venu au folk en apprenant comment on jouait de la guitare folk, tout simplement. Ce n’est pas une musique que j’écoutais vraiment quand j’étais ado. J’étais plutôt versé dans les musiques à base de guitares électriques. Après avoir plié pas mal d’années de cours de guitare électrique à l’ENM de Villeurbanne, j’ai commencé des cours de guitare folk. L’appellation, c’était guitare américaine, avec un professeur qui s’appelle Olivier Lataste. Il m’a appris les rudiments de la guitare jouée au doigt : le finger-picking. On faisait par exemple des reprises des Beatles pour guitare solo. Toutes ces nouvelles techniques que j’ai apprises à ce moment-là m’ont servi à développer mon style et puis surtout à écouter ce genre de musique. C’est avec la découverte d’artistes comme John Renbourn, Nick Drake, Davey Graham… tous ces gros noms de la guitare folk, que je me suis mis dedans.
Ton jeu de guitare se caractérise notamment par des accordages alternatifs ainsi que par la technique du finger-picking (arpèges aux doigts). Comment s’est déroulé ton apprentissage de l’instrument ?
Raoul Vignal : C’était un moment où j’apprenais beaucoup. Je passais des heures à jouer. C’était vraiment génial. C’est l’apprentissage d’une technique qui m’a aussi porté vers la découverte de nouvelles musiques. Ça a attisé ma curiosité. Et puis je me suis mis aussi à écouter d’autres choses. Donc c’était tout à fait bénéfique.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Raoul Vignal : Il y a pas mal de choses en cours. J’ai un groupe de post-rock instrumental qui s’appelle L’Effondras. On a sorti un disque le 28 mai : Anabasis (Araki Records). Les deux albums sont sortis quasiment la même semaine. Donc là on va remettre les concerts en route avec des tournées en octobre.
Sinon j’ai d’autres projets, notamment un duo baptisé “Anoja” avec un ami, Pierre-Hughes Hadacek, qui a enregistré les batteries sur le premier album. On travaille donc sur un album qui se situe entre folk, électronique, easy listening, rock… C’est un peu un pot-pourri de pas mal de choses qu’on aime.
J’ai toujours des projets en cours. J’aimerais bien me mettre à l’écriture d’un quatrième disque bientôt. Je souhaiterais aussi sortir un EP en duo avec un musicien qui habite à Berlin : Andy Aquarius. Il joue de la harpe. On souhaiterait faire un duo guitare-harpe à deux voix.