A l'invitation de Thomas Jean Henri, c'est-à-dire le cerveau du projet Cabane, Raoul Vignal reprend "Take Me Home Part 2". Déjà passionnant.
Au cœur de l’hiver dernier, fin février 2020, paraissait Grande est la maison, coup de cœur Magic (n°219). Le disque est signé « Cabane », nom-cocon à l’intérieur duquel œuvre le musicien belge Thomas Jean Henri. L’album, né d’une patiente construction, paraît à quelques semaines du confinement : l’utopie de Cabane rencontre le grand mouvement du monde.
Grande est la maison, comme tous les classiques, est une œuvre en clair-obscur, à la fois harmonieusement close sur elle-même et traversée par des vents imprévisibles. Le miracle de la musique y semble constamment repousser les murs : la cabane se fait palais des glaces. Les chansons, nées de la guitare solitaire de Thomas Jean Henri, accueillent entre leurs fragiles arpèges d’infinis paysages. Les cordes arrangées par Sean O’Hagan (High Llamas) les traversent telles les arabesques d’un léger patineur, les voix mêlées de Kate Stables (coton et air) et Will Oldham (cailloux et miel) s’y posent après un long voyage, le choeur Bostgehio les survole en majesté.
La petite cabane précaire a les fenêtres grand ouvertes et nous fûmes nombreux alors à nous y engouffrer. Les derniers frimas comme la période étrange qui s’annonçait alors nous invitaient à y trouver refuge. C’est ce que nous fîmes. Le printemps et l’été ont depuis passé. Le ciel de nos vies continue d’être soumis à quelques dépressions, les nuages pointent à l’horizon. La pandémie rôde et, s’il est toujours impossible de se serrer, on peut toujours allez visiter à l’infini les recoins éblouissants et recelant mille trésors de Cabane.
Les fenêtres y sont toujours ouvertes. Sur l’invitation de Thomas Jean Henri, dictée par les seuls impératifs qui valent à ses yeux – l’amitié et l’artisanat ; offrir le meilleur de soi-même -, toujours en marge de la vitesse du monde, de nouveaux visiteurs ont investi la cabane du musicien. Chacun d’eux a choisi une chanson de Grande est la maison et en a confectionné une reprise – on retrouve les noms de proches, tels Marc A. Huyghens, Jesse D. Vernon ou Dorothée De Koon et Arnaud Fleurent-Didier.
Raoul Vignal et sa version dansante, ondoyante, irréelle presque
Chaque reprise sera accompagnée d’une photographie prise par le musicien lui-même. « Chaque fois le même fond, une couleur chaude de fin de journée, un regard introspectif et emprunt d’un certain regret pour les hommes, un regard de face, frondeur et bienveillant pour les femmes », éclaire-t-il.
Thomas Jean Henri laissera filtrer ces reprises au fil du temps, au gré de son humeur, comme on laisse échapper de ses doigts une plume qui s’envole alors portée par le vent, comme les enfants laissent voguer au gré du courant leurs fragiles radeaux de bois et d’herbe, confectionnés des heures durant. La brise et le courant apportent aujourd’hui, jusque dans nos vies engourdies, une première chanson. Dansante, ondoyante, irréelle presque, elle est signée Raoul Vignal. Elle s’appelle Take Me Home Part 2 et s’éploie avec une grâce presque douloureuse. Aujourd’hui est un beau jour.