LCD Soundsystem à Rock en Seine 2024 | Photo © Louis Comar
LCD Soundsystem à Rock en Seine 2024 | Photo © Louis Comar

Rock en Seine : notre Top 5 de l’édition 2024

Que retenir des cinq belles journées de Rock en Seine 2024 quand on rentre sonnés par un show de clôture qui pourrait presque recouvrir tout le reste ? Réponse en cinq temps forts.

The Last Dinner Party, pas le temps 

S’il doit y avoir un temps calme en festival, c’est bien le cœur de l’après-midi. Les premiers artistes à monter sur scène jouent avec un public qui ne s’est pas encore échauffé, on peut être tenté de se poser tranquillement dans l’herbe sans être pendu à la musique, et chacun sait que son rush d’émotions a plus de chance de survenir plus tard et dans le noir… Jeudi 22 août, avec le soleil haut dans le ciel et 16h35 sur la montre, rien de tout ça ne va se vérifier ; The Last Dinner Party ne compte pas nous laisser le temps d’être distrait. Question de réflexe, on se présente devant la grande scène car Prelude to Ecstasy (2024), le premier album du quintette londonien, est porté par bien plus que la seule hype de son single Nothing Matters. Très vite, des trucs glam et astuces pop, la théâtralité rococo de sa chanteuse Abigail Morris et le dosage flegme/fougue de ses musiciennes nous dissuadent d’aller voir ailleurs. Validation définitive : une piquante reprise du Call Me de Debbie Harry et Giorgio Moroder cadre parfaitement avec l’énergie qu’on leur prête. Refrains chromés des jeunes années 1980, pâleur fatale et objectif charts déclaré dans le reflet des lunettes noires. J.P.

Charlotte Adigéry & Bolis Pupul à Rock en Seine 2024 | par Olivier Hoffschir
Charlotte Adigéry & Bolis Pupul à Rock en Seine 2024 | Photo © Olivier Hoffschir

Soulwax / Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, double électro

Cette année, le vendredi était l’occasion de se faire un double programme d’électro(-pop) belge avec la délégation DEEWEE. En deuxième partie de soirée, ce sont les tauliers du label gantois David et Stephen Dewaele, alias Soulwax, qui érigent leurs fortifications sur la scène cascade. Trois batteurs, perchés au sommet de trois tours, font pleuvoir sur la foule leurs frappes coordonnées. En contrebas, les deux frères opposent à la nuit les flashes d’une électro décomposée en mode rafale de genres – synthpop, dance-punk… Il y a largement de quoi repartir avec un début de synesthésie «sons & lumières» mais il est à peine 23h et on cède à l’envie d’en remettre une couche avec leurs protégés Charlotte Adigéry & Bolis Pupul. Au pied de la plus modeste scène du bosquet, le duo réussit à agglutiner un petit paquet de résistants qui n’iront pas faire exploser leur temps d’écran devant Fred again.. Charlotte Adigéry ne cache pas son plaisir de nous voir aussi nombreux, change de chaussures, remonte son legging et se lance dans un set où le chic élastique et les fantaisies à gorge serrée/déployée de Topical Dancer (2022) – plus quelques titres des EP Zandoli (2019) et Charlotte Adigéry (2017) – prennent tout le monde dans leurs drôles d’élans. Comparées au survoltage de Soulwax, les machines de Bolis Pupul sont plus cool mais pas plus molles. Et après avoir tourné pendant une heure, elles nous manquent dès les premières minutes de silence. Allez hop, High Lights en boucle dans le métro retour. J.P.

Kae Tempest à Rock en Seine 2024 | par Roxane Mentaron
Kae Tempest à Rock en Seine 2024 | Photo © Roxane Mentaron

Kae Tempest, torrent de grâce

Samedi, loin du tumulte des grandes scènes, à l’entrée du site, Kae Tempest a bouleversé le public rassemblé devant iel (Kate est devenue Kae en 2020), sidéré par sa générosité et sa sincérité. L’artiste a des talents et identités multiples. Rap, spoken word, poésie, théâtre… Kae Tempest a décroché en 2021 le Lion d’Argent de la Biennale de Venise pour son œuvre poétique et l’une de ses pièces a été jouée dans la cour d’honneur du Palais des papes d’Avignon l’année suivante. Sur disque, l’artiste ne parvient pas toujours à convaincre malgré l’aide sur son dernier album (The Line Is a Curve, 2022) de Dan Carey et Rick Rubin. Un peu juste musicalement, une production trop lisse parfois pour porter des textes dévastateurs sur la détresse mentale, l’individualisme, le repli… Mais sur scène, iel emporte tout. De ce petit corps qui paraît encore juvénile avec ses cheveux courts jaillit sans relâche un flow torrentiel qui déborde de colère, d’expressivité, de force et d’émotions. Iel est seul sur scène (une DJ officie en retrait), mais on est absorbé par son énergie et sa présence. Ses meilleurs titres issus des quatre albums sortis depuis 2014 sont joués : Salt Coast, l’immense sommet de son dernier disque, une version quasi a cappella de Grace, Priority Boredom… Grand moment. R.L.

Massive Attack à Rock en Seine 2024 | par Olivier Hoffschir
Massive Attack à Rock en Seine 2024 | Photo © Olivier Hoffschir

Massive Attack, apocalypse now?

C’est la quatrième fois en vingt ans que Massive Attack est invité à Saint-Cloud. Le groupe de Bristol a désormais une existence avant tout scénique et festivalière ; ils n’avaient pas joué depuis 2020 et écument les festivals et les grandes scènes depuis juin dernier. Du line up originel il ne reste que Robert Del Naja (3D) et Daddy G. Qu’attendre d’eux alors que leur dernier album studio Heligoland date désormais de près de quinze ans (le groupe n’en jouera aucun titre) ? De simplement relever les compteurs ? Les attentes n’étaient pas démesurées mais Massive Attack a plus que fait le taf et livré un concert aussi millimétré que politique, apocalyptique et maîtrisé. Un son précis, dark, très proche de celui de Mezzanine (1998), devenu leur album de référence, à la fois électro et électrique et très travaillé avec deux batteries. Avec beaucoup d’invités dont Liz Frazer qui interprète notamment Teardrop, Group Four et Song to the Siren, reprise mythique de Tim Buckley que le collectif This Mortal Coil avait proposée en 1984 avec celle qui était alors la chanteuse de Cocteau Twins. Le début du concert est centré sur de nouveaux titres, sans doute annonciateurs d’un nouveau disque, pas toujours très convaincants hormis les deux joués avec les Anglais Young Fathers (excellente idée de recourir à leur rap mutant). Le show est autant sur scène que dans les écrans géants qui projettent en spasmes hypnotiques les actualités apocalyptiques de notre monde (Gaza, Ukraine, les expérimentations d’Elon Musk sur les animaux pour son entreprise d’implants cérébraux Neuralink…). On n’est pas très loin de Matrix ou d’une inspiration philosophique Debord-Baudrillard : «La méfiance est une autre forme de contrôle». Et c’est peut-être là que le bât blesse un peu. Car le groupe use et abuse de slogans politiques qui saturent un peu le propos et tournent à la propagande. Le soutien aux Palestiniens bien sûr mais Netanyahou et Poutine partout c’est trop. R.L.

LCD Soundsystem à Rock en Seine 2024 | © Olivier Hoffschir
LCD Soundsystem à Rock en Seine 2024 | Photo © Olivier Hoffschir

LCD Soundsystem, dionysiaque

Le set dionysiaque de LCD Sound System dimanche soir aura été l’apothéose d’une excellente édition du festival. Au milieu de la scène s’agite, dans un fatras de machines, de percus, d’instruments divers… un collectif compact de musiciens, très complices, et s’extrait le grand gabarit de James Murphy, véritable sorcier qui chante sur un micro de guitare. Ce son est une perfection : énorme et précis, formé de basses profondes, de boucles hypnotiques, à la fois un peu crade, rugueux et maîtrisé. L’artiste confie à la foule qu’il n’a pas trop le moral (un proche du groupe, Justin Chearno, est décédé subitement quelques jours plus tôt). La setlist est un peu prévisible mais on ne va pas bouder son plaisir, le set est euphorisant. Une énorme boule à facettes surplombe la scène où se déploie ce kaléidoscope punk-rock-funk-électro dantesque. Losing My Edge fourmille de samples (Ghost Rider de Suicide, Robot Rock de Daft Punk, Don’t Go de Yazoo). Le public est comblé. R.L.

De nos envoyés spéciaux à Saint-Cloud, Rémi Lefebvre et Jérémy Pellet.

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