L’Irlandaise sort son premier album, "Time Bend and Break the Bower", un disque qui défie le format chanson avec un goût prononcé pour les mots. Qui débordent et prennent littéralement toute la place.
Ni refrain, ni couplet. Rien de ce qui pourrait rappeler la structure classique d’une chanson. Les mots ici pleuvent, forts, justes, dans un flot de paroles sans discontinuer, quasi épileptique, qui ne peut échapper à l’auditeur. Sinead O’Brien écrit des textes complexes, risqués, à l’image de sa relation au monde, insolente et insoumise. L’autrice-compositrice obéit aux mots qu’elle appose religieusement dans ses carnets quotidiennement. Ce sont eux qui dictent son geste artistique.
Ce qui frappe instantanément à la première écoute, c’est ta diction : robotique, clinique, spasmodique, rapide, brute et brutale. Et je pourrais continuer comme ça longtemps.
Oui, j’imagine (sourire). Je veux mettre en avant mon intention, voilà tout. C’est ma façon de découper les syllabes ou de faire surnager les paroles sur la musique qui donne ce résultat. Mais tout cela est très intuitif. Tous les matins, je relis ce que j’ai écrit la veille à mon bureau. C’est la première étape. À ce moment-là, il n’y a que moi. Pas de musique. Parfois, il m’arrive de rythmer les pages de mes carnets de notes avec des points, des tirets, des symboles, qui m’indiquent comment je souhaite manipuler l’œuvre. C’est une forme de notation qui n’appartient qu’à moi. Je ne sais pas si quelqu’un d’autre s’y retrouverait. Quand des gens lisent ce que j’ai écrit, mon petit ami par exemple, je trouve ça trop bizarre. Ils ne le lisent pas comme je le pense. Car pour moi, ça va au-delà du fait même de faire sonner les mots. C’est le sens qui m’importe et comment l’exprimer de manière emphatique…