Emmené par son leader Ryan Lott, Son Lux livre cette semaine Brighter Wounds, un disque de pop introspectif et magnifiquement produit. L’occasion d’évoquer avec ces trois Américains l’importance du travail en studio dans l’esthétique du groupe.
Je jetais un oeil à votre discographie tout à l’heure. C’est amusant : depuis 2013, vos pochettes ont tendance à beaucoup se ressembler : un fond sombre duquel surgissent des effets lumineux, ou, dans le cas de Brighter Wounds et du EP Remedy, des mains…
Ryan Lott : Oui c’est vrai. On peut sans doute y voir un lien avec notre musique car elle fonctionne aussi souvent par contraste. Au niveau des sonorités, on aime jouer avec des éléments qui mettent en lumière une dynamique extrême, entre des sons lumineux et d’autres plus sombres. Pour les textes aussi, on cherche souvent des concepts qui peuvent être lus de deux manières. On est fascinés par cet aspect de la musique, trouver des opposés et faire de leur mariage quelque chose de beau.
A vous écouter, il s’agit d’une démarche très réfléchie.
Ryan Lott : Je crois qu’elle est à la fois intentionnelle et instinctive. On est tous fascinés par un très large spectre musical. Quand j’étais jeune, j’ai vraiment senti la tension entre la musique que j’aimais écouter avec mes amis, le grunge notamment, et mes leçons de piano. Peut-être que cela joue dans notre recherche de contrastes intenses, en terme de dynamiques et d’idées.
Rafiq Bhatia : Techniquement, il y a des choses que l’on n’entend pas à moins de les mettre en compétition avec d’autres éléments. Donc le meilleur moyen d’attirer l’attention de l’auditeur sur une idée, c’est parfois de jouer sur les contrastes.
La production, justement, semble vraiment faire partie intégrante de votre songwriting.
Rafiq Bhatia : Dans notre processus créatif, la production et la composition sont souvent totalement imbriquées. Si on parle d’harmonie, comment ne pas prendre en compte les réglages du synthétiseur, par exemple ? Il y a les notes elles-mêmes, mais aussi toute la complexité autour de ces notes. Chaque note d’un instrument a une harmonique via un autre instrument. Tout tient dans l’interaction de la production, de rythme, du songwriting.
Vous n’avez pas peur de vous enfermer dans une musique trop conceptualisée, trop froide ?
Ian Chang : Quand on est en studio, on utilise parfois cette phase : “cette chanson ne veut pas être comme ça”. Donc c’est une démarche tantôt intellectuelle, tantôt émotionnelle. Ryan dit d’ailleurs souvent : “c’est trop méticuleux, on pense trop” (“we’re overthinking it”, ndlr).
Ryan Lott : C’est vrai que dans ce projet, le studio est un des instruments les plus fondamentaux. Je crois qu’il y a quelque chose de très sacré dans le studio. Je peux passer du temps sur des choses très techniques et sentir que je fais tout de même quelque chose de très profond (“soulish”, ndlr). Et puis, on ne dirait pas à un groupe de rock : “est-ce froid de jouer avec une guitare ?”. Le studio n’est pas physique et n’est pas probablement aussi sexy qu’une guitare. Mais au-delà de ça, si on écoute seulement ses oreilles, c’est la chose la plus sexy au monde.
Texte : Robin Korda
Photographie : Julia Borel