Bien plus qu’un simple septième Lp, le premier depuis quatre ans, Think Tank était l’album de tous les dangers. Placé en hibernation pour cause de projets parallèles chez Damon Albarn – surpris dans un grand écart périlleux mais victorieux entre la Jamaïque version Gorillaz et l’Afrique de Mali Music –, Blur pouvait tout perdre avec ce disque. Son enregistrement a priori chaotique allait même prendre des proportions plus dramatiques à l’annonce du départ de Graham Coxon, son guitariste, considéré par certains comme la véritable âme de la formation de Colchester. Pourtant, à l’écoute de cette merveille apaisée et tamisée, le néo-trio a tout gagné : un nouvel équilibre, de nouvelles voies à explorer. Entre dub polaire et ballades lunaires, pop crépusculaire et punk sanguinaire, Think Tank s’avère aussi surprenant que convaincant. Et se pose en nouveau chapitre de l’histoire d’un groupe en perpétuelle (r)évolution.
INTERVIEW Christophe Basterra et Estelle Chardac
PARUTION magic n°71
A comme Ambulance
Alex James : Je crois que ce premier morceau reflète parfaitement l’album dans son ensemble. En fait, ce disque témoigne d’une paix intérieure qui n’a jamais existé auparavant au sein de Blur. Jusqu’à présent, nous étions poussés par une frustration latente, une force colérique plutôt qu’autre chose. Et là, c’est exactement l’opposé…
B comme Banksy
Dave Rowntree : Il a réalisé la pochette de Think Tank et, en général, tous les visuels autour du disque. C’est le genre d’artiste que les gens adorent ou haïssent, il n’y a pas de juste milieu, ce qui est une excellente chose. Il a une vision assez amère du monde, cela rend son point de vue intéressant, même si je ne le partage pas tout à fait. Il travaille surtout en extérieur : dans Londres, tu ne peux pas te balader sans tomber sur l’un de ses graffitis. Mais il a une approche très graphique de la chose. En tout cas, je n’imagine pas ses œuvres dans des galeries. Tiens, la prochaine lettre est C… (Sourire.) Voyons, laissez-nous deviner.
AJ : Trouvé ! C, comme Coxon !
C comme Copy Controlled
Les maisons de disques sont mortes de trouille parce que, plusieurs semaines avant la sortie de Think Tank, on pouvait déjà le télécharger sur Internet. (Sourire.) Elles sont littéralement terrifiées, juste parce qu’il existe un nouveau moyen de diffuser la musique, simple et gratuit… Mais, pour moi, c’est une bonne chose, car plus nombreux seront les gens à entendre notre musique, mieux ce sera.
DR : Déjà, ce logo est absolument ridicule, et surtout, il n’empêche personne de copier notre disque ! Quelle blague… Mais le pire, c’est que ce procédé engendre des problèmes pour la lecture d’un disque : c’est une honte ! D’accord, les profits des labels sont en train de chuter, mais ils n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ce sont eux qui produisent des albums merdiques, préfabriqués qui intéressent de moins en moins les gens. Selon deux enquêtes parues en Angleterre, ceux qui copient la musique sur le Net ne désertent pas les disquaires, puisqu’ils représentent 60% des acheteurs en Grande-Bretagne !
AJ : Quand j’étais gamin, j’écoutais surtout la musique à la radio… C’est comme ça que je repérais les disques que j’achetais, et c’est ce qui m’a donné l’envie de devenir musicien. Aujourd’hui, les gens découvrent les nouveautés via l’Internet, car personne ne fait plus son boulot, que ce soit les labels, les radios, les télés ou même la presse spécialisée…
DR : Le problème principal pour un groupe, c’est de permettre au public d’accéder à sa musique ! Et s’il est séduit, il ira forcément se procurer le disque. Bien sûr, il existe le problème des “pirates”, mais bon, il faut relativiser… Dans l’industrie, tout le monde sait que la majorité des artistes gagne de l’argent par la vente de ses t-shirts aux concerts. Et pourtant, il existe aussi des contrefaçons, moitié moins chères, vendues à l’extérieur des salles…
D comme Don’t Drop The Bomb When You’re The Bomb
AJ : L’un des premiers morceaux que nous ayons achevé lors des sessions de Think Tank. Damon l’a enregistré dans sa cuisine, et on est tombé d’accord pour se dire qu’il n’avait pas besoin de guitare, ou de refrain. C’est juste un truc un peu étrange. On l’a sorti sous le manteau, sur un single vinyle, parce qu’il donnait l’idée de l’orientation que nous voulions donner à l’album à cet instant précis. Mais nous n’étions sûrs de rien, nous n’avions pris aucune décision quant à son contenu exact.
Damon Albarn : Chaque aspect de ce morceau est à prendre comme un slogan anti-guerre, mais aussi anti-ce qu’on avait fait auparavant, avec l’utilisation d’un “anti-langage”. En fait, il est anti-tout. (Sourire.) Je le trouve presque intemporel, c’est pour cela qu’on ne l’a pas mis sur l’album. En tout cas, j’en suis très content, comme de l’ensemble du disque. On est resté fidèle à l’idée qu’il faut s’amuser avant tout, que l’essentiel est d’explorer les possibilités infinies de la musique, sans que cela empêche Think Tank d’être un “disque de Blur”. Je ne sais pas trop si l’expression a une signification d’ailleurs, mais j’espère que chacun de nos Lp’s partage ce point commun : être bon. (Sourire.)
E comme England
AJ : Voyons, qu’est qu’il s’y passe en ce moment… (Soupirs.) Ce pays vit une banqueroute culturelle. C’est triste. Pratiquement personne n’accorde encore sa confiance au gouvernement. Il y a beaucoup de merdes dans les charts. Que dire de plus ? Aucun film digne de ce nom ne voit le jour, personne n’écrit de livres intéressants. Voilà. C’était donc le moment parfait pour sortir le meilleur album jamais réalisé. Le nôtre. (Rires.) Je n’ai pas pris assez de recul pour comprendre les raisons de ce désastre, je suis resté à Londres trop longtemps pour pouvoir analyser cette situation…
F comme Fat Les
Oh… (Rires.) Le dernier grand groupe pop. Rien à ajouter ! Je me suis vraiment marré. Je crois qu’on pourrait dire de Fat Les qu’il est le parfait symbole ou reflet de l’Angleterre actuelle, en fait… (Rires.) Tiens, Keith Allen (ndlr : compagnon d’Alex dans ce projet et coauteur du World In Motion de New Order) a d’ailleurs essayé de m’appeler cet après-midi. Peut-être pour faire un nouveau disque, qui sait ?
G comme Gorillaz
Je trouve ça pas trop… mal. (Rires.) Plus sérieusement, je crois que ce projet est parvenu à capturer l’essence d’une époque. Sincèrement. Je dois admettre que je ne l’avais pas perçu ainsi dès le départ, mais ça a bluffé tout le monde… Gorillaz a rassemblé tous les mômes, même ceux qui ne sont pas spécialement fans de musique à l’origine. Mais je n’ai jamais pensé que cela pourrait menacer l’existence de Blur. Ça montre à quel point l’univers ne tourne pas rond : comment concevoir, lorsque le membre d’une formation a du succès de son côté, que cela va remettre les choses en question ?! Normalement, tout le monde devrait trouver que c’est une excellente nouvelle ! Tiens, par exemple, si le docteur d’un hôpital est nommé “docteur de l’année”, est-ce que ce n’est pas positif pour cet hôpital ?
DR : C’est amusant de constater à quel point la perception générale du groupe peut être différente de la nôtre. Nous sommes des amis, des musiciens qui travaillons ensemble. On trouve ça très bien si l’un d’entre nous désire faire d’autres choses à côté. Nous ne sommes pas une entreprise. L’équilibre de Blur serait vraiment précaire si nous avions perçu cela comme une trahison.
H comme Hillier (Ben)
AJ : Il nous fallait quelqu’un de posé pour nous empêcher de trop aller dans l’excès… (Sourire) Et Ben est une personne très calme, raisonnable, qui a toujours une vision positive des choses. Il est très doué pour faire le tri, aussi. Pendant une année, nous avons enregistré toutes les idées possibles et le rôle de Ben a été de nous pousser vers telle ou telle direction. Il a joué un rôle vraiment important dans ce disque, il en est même l’un des rouages essentiels.
DR : Ses points forts comblent nos faiblesses. Il est expert en technologie, très patient, très calme. C’est exactement les trois qualités nécessaires pour travailler avec nous… (Sourire.)
AJ : En fait, il avait déjà collaboré à notre dernier single, Music Is My Radar. Et il nous a semblé naturel de continuer avec lui.
I comme Internet
On s’est très vite intéressé à ce média. Je crois qu’on gagnait des prix avant même que les autres groupes n’aient l’idée de créer leur site ! (Rires.) On l’avait laissé un peu en friche ces derniers temps, mais avec la sortie de Think Tank, on s’est repris au jeu. D’ailleurs, je projette d’enregistrer toutes mes conversations et de les mettre en ligne !
J comme journaliste
Parfois, je suis journaliste moi-même. Certains de mes meilleurs amis sont journalistes… (Sourire.) Et d’autres sont des trous du cul. Le problème, c’est quand ils se prennent pour des écrivains, là, je trouve ça un peu fort de café… Enfin, s’ils se sentent mieux ainsi. En tout cas, c’est difficile d’écrire sur la musique. À moins de se contenter de donner les marques des guitares, les accords d’une chanson, les structures rythmiques. Mais dans ce cas-là, ça deviendrait très ennuyeux, je suppose. En tout cas, je sais que Damon dérange certains de vos collègues…
DA : Depuis que Blur a commencé, j’entretiens une relation amour-haine avec le NME, par exemple. Entre nous, rien n’est explicable, cela va de la compréhension la plus totale à… (Sourire.) Gamin, quand j’achetais ce journal, il représentait tout pour moi, il était mon passeport pour la musique. Donc, quand tu finis par en faire et qu’on ne l’apprécie pas, c’est… C’est difficile et frustrant. Certaines critiques, m’ont fait beaucoup de mal. (Sourire.)
K comme King Tubby
Au même titre que Lee Perry, King Tubby est intouchable. Si tu t’essayes à faire de la musique en essayant de suivre l’attitude et les motivations qui ont permis à ces types de créer ce son si distinctif, ce n’est pas une mince affaire. Le processus est vicié, car tu n’as pas les mêmes raisons de faire ce qu’eux ont réalisé. En même temps, tu peux aussi te dire qu’il est pratiquement impossible de faire quelque chose de mauvais avec le reggae ou le dub. Et comme il est toujours préférable d’accorder la plus grande place sur cette terre à la meilleure musique possible, surtout après cette vague de groupes préfabriqués, autant se lancer… (Sourire.) L’influence reggae qu’on retrouve sur Think Tank n’apparaissait pas sur nos albums précédents tout simplement parce qu’elle n’était pas encore vraiment là. C’est vrai, j’en écoutais déjà depuis longtemps, mais cela ne veut pas dire qu’elle devait se manifester dans ma musique. Cela prend du temps ! Tu dois attendre le moment où tu ressens les choses, tu ne peux pas te programmer, te dire : “Bon allez, dans trois semaines, je suis un pro du reggae”. (Rires.) Ce n’est pas une question de manipulation, surtout pas. C’est même l’opposé. Si tu crois pouvoir manipuler la musique, tu fais fausse route.
AJ : J’ai juste une question : c’est qui, King Tubby ? (Rires.)
L comme Live
Les gens vont découvrir Blur dans une nouvelle formation. Et pas seulement parce que, pour la scène, Graham a été remplacé par Simon Tong. Il y aura aussi trois choristes, un clavier, un percussionniste et un joueur de saxophone. On est presque un big band, en fait… (Sourire.) Mais le résultat est impressionnant. Pour nous, c’est même très émouvant de jouer les anciens morceaux dans ce nouveau cadre…
DA : Je pense que beaucoup de gens s’imaginent qu’ils vont y voir une réplique du Blur des douze dernières années… Pourtant, même s’il y a des clins d’œil à notre passé, c’est un nouvel épisode de notre histoire qui débute. Le retour de Blur. (Sourire.) Façon… Clint Eastwood, j’espère. (Rires.) D’ailleurs on n’a toujours pas eu la permission d’utiliser son nom pour cette chanson de Gorillaz ! Il n’a jamais objecté. C’est un vrai fan de musique, Clint. Il a quand même composé des parties de piano pour ses films, des trucs fantastiques. Un homme civilisé, c’est sûr. (Rires.) Même si je ne suis pas forcément d’accord avec ses points de vue politiques. Mais je suis sérieux, la musique reste un bon critère pour évaluer les gens. Regardez à quel point on peut se fâcher quand on se rend compte qu’elle est faite pour de mauvaises raisons. Ce dont j’ai été coupable par le passé… C’est d’ailleurs pour cela que j’ai des idées très arrêtées à ce sujet. Je sais à quel point mes mauvais choix, guidés par des éléments extra musicaux, ont pu faire du mal autour de moi. Aujourd’hui, je suis plus vieux, plus sage. (Sourire.) Quand tu arrives à mon âge, voilà bien quelque chose que tu peux affirmer sans la moindre once d’ironie. (Rires.)
M comme Maroc
AJ : C’est un pays qui se trouve au sud de Londres. (Rires.) Et l’endroit où nous nous trouvions doit avoir cent cinquante années de retard sur notre Capitale… Nous vivions dans une sorte de communauté, à une cinquantaine de kilomètres de Marrakech. Nous avons pu ainsi nous débarrasser des tics de la culture occidentale, échapper aux traditionnelles pressions de la maison de disques, des médias. Nous sommes restés là-bas un mois, nous avons installé un studio. Ce n’est pas facile de s’éloigner ainsi des chemins balisés… Enregistrer un disque peut être d’une simplicité désarmante, si tu restes dans ton confort habituel. En fait, avec ces conditions d’enregistrement, on s’est rapproché d’une sorte d’éthique punk… Nous nous sommes contentés de prendre le matériel minimum. Nous ne recherchions pas la perfection, nous avons surtout essayé de marcher à l’instinct, de nous laisser aller, de tenter de réaliser toutes les idées qui nous passaient par la tête, même les plus farfelues.
N comme nouveau départ
(Sourire.) Nouveau départ… Je ne sais pas puisque nous avions déjà dit ça à propos de notre dernier album. C’est un peu embarrassant.
DR : Maintenant, la grande différence avec Think Tank, c’est qu’il y a eu un changement significatif de formation. La notion de nouveau départ est donc sans doute plus pertinente aujourd’hui qu’au moment de Blur. Là, il fallait vraiment que l’on sorte un bon album, car les gens nous attendaient au tournant, avec le succès de Gorillaz et le départ de Graham. Malgré cela, pour nous, l’important n’était pas de faire un meilleur disque que les précédents, il fallait surtout qu’il soit différent. Il ne pouvait pas en être autrement.
O comme Out Of Time
DA : J’évoquais tout à l’heure de mon étrange relation avec le NME… Out Of Time s’est retrouvé “Single Of The Week”, donc cette fois-ci, je ne me plaindrais pas ! (Sourire.) C’est une chanson terriblement triste, de celles qu’on croit ne pas comprendre alors qu’en fait, on veut juste ne pas s’admettre que chaque mot nous parle. Je voulais écrire un tel morceau depuis toujours, j’en suis immensément fier.
P comme Parklife
AJ : Nous avions volontairement décidé de faire un disque très anglais, autant dans la forme que dans le fond. (Sourire.) Je crois que c’est un album qui a eu pas mal d’influence sur des groupes de l’époque et qui est devenu une sorte de référence. Mais quand nous l’avions envisagé, nous ne cherchions pas du tout à créer ou rejoindre un quelconque mouvement.
Q comme Quentin
Pourquoi ? Hein, c’est le vrai prénom de Norman Cook ? (ndlr : la véritable identité de Fatboy Slim est en fait Quentin Crisp). Je ne savais même pas ! Comme quoi, on peut apprendre des choses avec les journalistes. (Rires.) C’est vrai qu’à un moment, nous avons envisagé de travailler plus étroitement avec lui… Mais nous voulions co-produire nous-mêmes le disque, et Ben avait toutes les qualités requises pour nous épauler. Nous n’avons pas eu l’envie, ni senti le besoin, de faire intervenir une tierce personne sur tout le disque. Et surtout quelqu’un de connu. (Sourire.) Sinon, les mauvaises langues lui auraient donné tout le crédit dans la réussite du disque. Là, il était important, primordial même, que nous assumions nos choix.
R comme Règles
DA : On en a toujours besoin, même en musique. Mais si tu en crées, il faut aussi que tu saches les détruire. (Sourire.) C’est le grand problème des règles. D’ailleurs, lorsque j’essaye d’en imposer à Missy, ma fille de trois ans, elle fait pareil. (Rires.) Il n’y a rien d’autre à ajouter !
AJ : Nous avons fait un disque peu conventionnel dans son ensemble, tant au niveau du son que des structures.
DR : Nous avons réalisé un disque anti-pop. (Sourire.)
S comme Split
DR : Dans les faits, le départ de Graham est d’une terrible banalité. Déjà, il n’avait pas vraiment envie de refaire de longues tournées. Et puis, surtout, un jour, nous nous étions fixé une réunion, tous les quatre, à laquelle il ne s’est jamais rendu. Et tout est parti de là. Nous avons bossé à trois et, quand il est revenu, ce n’était plus comme avant.
DA : Que dire… Ça a été dur. (Silence.) Graham fait et fera à jamais partie de ma famille, et je ne parle pas de ma “famille musicale”. Toute cette histoire n’est pas très jolie, mais il est important que, suite à cet événement, tous les gens concernés se sentent plus heureux dans leur vie aujourd’hui. Je sais que je le suis, donc je suppose qu’il en va de même pour lui. Mais tu ne peux raisonner de cette façon que si la personne t’est vraiment chère… Il y a plein de gens à qui je ne parle plus mais que je considère encore comme des proches. J’ai déjà beaucoup de chances qu’on ait été amis pendant d’aussi longues années.
T comme Thirteen
AJ : C’est notre studio, à Londres. Il nous a permis d’apprendre plein de choses au niveau technique, de tenter des trucs, d’expérimenter… Les gens doivent s’imaginer un endroit luxueux, confortable avec une réceptionniste sexy et une cuisine hi-tech, mais Thirteen ressemble plutôt à une prison ou un hôpital. (Rires.) C’est une petite salle envahie de matériel. On ne peut rien y faire d’autre que travailler.
U comme Underground
DA : Ce mot n’a aucune réelle signification pour moi. À la limite, l’underground peut être intéressant car c’est parfois là qu’il se passe des choses, artistiquement parlant. Maintenant, je me fiche éperdument de savoir d’où vient la musique, du moment qu’elle me touche, qu’elle est sincère. J’ai toujours trouvé l’idée d’un quelconque snobisme musical tout à fait ridicule. Je ne blâme personne en particulier, car nous sommes tous responsables de ce phénomène. Récemment, j’ai commencé mon propre label, Honest Jon. Et je n’ai pas envie qu’il reste… underground. (Sourire.) Il faut encore le structurer, mais si tout se passe bien, on devrait pouvoir sortir un premier album avant la fin de l’année. Il s’agit d’un nouveau disque de Terry Hall, qu’on est en train d’enregistrer actuellement.
V comme Voix
Je suis d’accord, ma voix s’est un peu étoffée, je l’utilise mieux. Maintenant, comment l’expliquer ? (Sourire.) Peut-être que j’ai fumé trop de cigarettes… C’était bien le régime de Serge Gainsbourg, non ? Je ne pense pas que l’évolution de ma voix soit liée aux drogues… Enfin, je dis drogues, mais l’alcool et le tabac en sont aussi, par implication. J’ai beaucoup travaillé et voyagé ces dernières années. Pour ne citer que quelques endroits, j’ai visité la Jamaïque, la Mongolie, l’Afrique. J’ai réalisé que la musique était partout, sans toutefois comprendre ce en quoi elle consistait. Je ne sais pas… Comment veux-tu expliquer un changement physiologique ? Peut-être que j’étais très nerveux. Peut-être est-ce dû à des bouleversements dans ma vie privée…
W comme War
Je suis contre. (Sourire.) Je ne crois pas aux guerres. Ce que j’ai appris d’elles jusqu’ici, de ma position privilégiée d’Européen du Nord, c’est que l’utilisation du langage n’est pas autant appréciée ici qu’en Orient. D’ailleurs, si tu réfléchis au terme “libération”, tu te rends compte qu’il prend un drôle de sens chez nous. Est-ce que les bombardements massifs sont libérateurs ? Est-ce qu’il y a quelque chose d’un tant soit peu libérateur à détruire des familles, à massacrer des êtres humains, à envoyer des armées s’entretuer ? La guerre a eu lieu. Et que l’on ait exprimé son pacifisme n’y aura rien changé. C’est la grande leçon à retenir. Maintenant, quand tout sera terminé, il faudra retrouver ses esprits et tenter d’analyser ces actes. Parce que, pour le moment, on dit quelque chose et l’on en fait une autre. Quand on aura rangé les armes, il incombera aux gens de s’exprimer, et de faire en sorte que la diplomatie soit celle du peuple et non un truc larvaire, caché derrière des portes d’Ambassades. Deux millions de personnes ont manifesté contre cette guerre, et qu’ils aient eu raison ou non, le problème est qu’ils n’ont pas été écoutés. (Sèchement.) Mais revenons à la musique.
X comme eXcès
Quelle que soit la manière d’y arriver, je pense qu’il est nécessaire, dans une vie, de trouver une sorte de guide intérieur. Tu peux l’appeler comme bon te semble, âme ou autre. Et quand on arrive à ce moment précis, parce qu’il survient forcément, ton existence entière est chamboulée. Que ce guide soit musical, spirituel, physique… L’avantage fantastique qu’offre la musique, dans ces cas-là, c’est qu’on peut la partager. Alors, j’aurais tendance à affirme que… l’excès de musique est positif. (Rires.)
Y comme Chromosome Y
La prédominance de ce chromosome est surtout le problème des groupes. Généralement, quand tu en formes un, tu es jeune, plein de testostérone avec une grosse envie de crâner et de prouver ton importance au monde. Mais quand tu y es toujours à trente-cinq ans, ce n’est pas forcément la même histoire. Ton but n’est plus le même. (Sourire.) Bien sûr, tu t’en amuses encore, et sur scène, tu t’autorises à faire le con, mais généralement, tu te dis : “Bon, ça va, je suis adulte”.
Z comme Zénith
Ce serait idiot de prétendre que je l’ai atteint ou que je cherche à l’atteindre. Tu sais, je ne suis qu’un musicien, mais je suis heureux de n’être que cela. Parce que j’ai pu rencontrer de grands messieurs et ça me suffit. Des gens très importants avec qui j’ai parfois joué et qui communiquent inconsciemment avec Dieu à travers leur art. Cela va donc bien au-delà de mon rôle à moi, bien au-delà… Comme quoi, on en revient toujours à la spiritualité !