Avec Freakenstein de Th Da Freak, Gathered de Howe Gelb et le EP éponyme de Kokoroko, Magic vous a sélectionné les disques importants qui sortent ce vendredi 8 mars.
TH DA FREAK
- Freakenstein
(Howlin Banana / Bordeaux Rock)
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Tel Frankenstein, dont est issu le (fabuleux) jeu de mot du titre, TH Da Freak peut être considéré comme une sorte de monstre dans une scène rock française parfois trop sage. Le Bordelais chante dans Freakenstein un quotidien pas toujours enthousiasmant, fait de déceptions amoureuses et de détresse existentielle qu’il noie dans l’alcool. Tout cela dans une esthétique très nineties, paradoxalement nonchalante et entêtante, aux guitares chargées de chorus. Un excellent troisième album.
HOWE GELB –
Gathered
(Fire Records)
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Howe Gelb est bien la preuve qu’un artiste peut conjuguer excellence et prolificité. Gathered, qui se veut recueil à la fois de compositions originales et de reprises jamais paresseuses, le confirme encore. L’Américain n’hésite pas à entrer dans un classicisme voire un académisme qui le rapproche plus d’un jazz west coast ou des croonsingers des années 1940.
KOKOROKO
– Kokoroko EP
(Brownswood Recordings)
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Kokoroko signifie “être fort” en urhobo, langue du Nigeria, terre natale de l’afro-beat que le groupe londonien s’applique à dépoussiérer. Lorsque Sheila Maurice-Grey, trompettiste, rencontre Onome Inghamre, percussionniste, ils sont d’accord sur une chose : les groupes qu’ils entendent à Londres ne rendent pas justice à la musique de leurs ancêtres : il faut agir. Ce premier EP éponyme de quatre titres est un ouvrage prometteur qui sublime leurs héritages et les place au coeur de l’effervescence de la scène jazz londonienne. Retrouvez tous nos reportages dans la capitale anglaise dans le dossier spécial consacré au Brexit du numéro 214 de Magic, depuis hier en kiosque.
HELADO NEGRO
– This Is How You Smile
(Rvng Intl / Differ-Ant)
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Please Won’t Please ouvre le sixième album du New Yorkais Roberto Carlos Lange, aka Helado Negro. Ce qui frappe d’emblée, c’est la douceur. Puis, le temps, qui s’étire pour laisser à la mélodie toute l’amplitude qu’elle mérite. Le musicien glisse de l’anglais à l’espagnol dans un mélange de folk orchestrale et de pop expérimentale, pour introniser un gentil fantôme. Si le précédent Private Energy (2016) militait contre le racisme, celui-ci est plus contemplatif, sur l’importance des liens familiaux.
FOALS – Everything Not Saved Will Be Lost Part 1
(Warner)
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Depuis qu’elle a partagé son Antidotes, la musique de Foals n’a cessé de se transformer sans jamais perdre sa force impérieuse. Everything Not Saved Will Be Lost Part 1 suit le même chemin. Yannis Philippakis possède toujours ce don inouï pour réaliser des sonorités extrêmement attractives. Sans fausse note, ces dix titres manquent toutefois à quelques endroits de candeur. Mais qu’importe : ils ont été réalisés par un groupe irréprochable.
E.B. THE YOUNGER – To Each His Own
(Bella Union / [PIAS])
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Propulsé leader de Midlake en 2012, Eric Pulido se permet une escapade en solo sous le nom de E.B. The Younger. Sans s’éloigner des élans folk qui ont émaillé la formidable carrière de la formation texane, le guitariste oublie les mélodies torturées de son ancien projet pour des chansons à la luminosité irradiante et au charme fou.
MALIHINI – Hopefully, Again
(Memphis Industries)
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Avec Hopefully, Again, le tandem constitué par Giampaolo Speziale et Federica Caiozzo confirme son expertise dans la composition d’une pop lo-fi cinématographique et enveloppante. Tel un invité privilégié, l’auditeur assiste au dialogue d’un couple dans son intimité. Ils sont parfaits pour nous laisser fantasmer leur histoire.
UTO
- The Night’s Due EP
(Pain Surprises)
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La voix, captivante, fait corps avec les effets des synthétiseurs quand elle ne défie pas les boîtes à rythme. Ces machines ésotériques, Emile et Neysa ont appris à les apprivoiser et en faire ce qu’ils veulent. Leur nouveau format court, The Night’s Due, est possédé par des fantômes. Où le hip-hop, le trip-hop et l’ambient forment une union sacrée.
SASAMI – Sasami
(Domino Records)
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Celle qui se fantasmait en joueuse de cor d’harmonie classique a choisi la voie précaire de l’indie rock, à tendance shoegaze. Sasami a enregistré cet album dans l’urgence, en quelques prises seulement, en s’adressant dans ses textes à «tous ceux qui l’ont baisée et qu’elle a baisés l’année dernière». Rien ne l’effraie !
NICK WATERHOUSE – Nick Waterhouse
(Innovative Leisure)
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La trentaine installée, le gars de l’Orange County (Californie) continue de traquer inlassablement son fantasme R’n’B fifties. Obsession confirmée : c’est dans le plus vieux studio indépendant du monde – Electro-Vox à Hollywood – que le binoclard a encapsulé ces onze titres au groove chaloupé. Un peu comme si Sam Cooke s’était fondu dans le corps de Buddy Holly.
STELLA DONNELLY – Beware of the Dogs
(Secretly Canadian)
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La jeune Australienne Stella Donnelly s’est fait remarquer l’an dernier avec son EP Thrush Metal, dont les titres furent alors partagés via les réseaux sociaux sous le tag bedroom pop. Son premier album allie des mélodies pop et des paroles corrosives inscrites dans le mouvement #metoo. Cette voix enfantine et ce ton joueur laissent difficilement insensible.
VINCENT DUPAS
– Longue Distance
(Mus’Azik / Differ-Ant)
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Ce premier disque sous son seul nom peut être vu comme l’acte d’affirmation d’un artiste arrivé à maturité. À l’image de ses projets passés, Vincent Dupas navigue dans des espaces immenses, parfois tortueux. Comme Bertrand Belin ou Sammy Decoster, le Nantais réconcilie la langue française et les Appalaches, pour un disque aux contrastes assumés.
LANE – A Shiny Day
(Nineteen Something / [PIAS])
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LANE ravive le rock alternatif sans regarder ni jouer dans le rétro. La musique est toujours implacable et ne s’adresse pas qu’aux fans de Buzzcocks et de Fugazi. La voix frontale d’Éric Sourice, aux inclinaisons pop, n’a rien perdu de sa sincérité. A Shiny Day est rythmé par une batterie qui peut paraître tatapoum à la longue mais la fulgurance des compositions donne envie de plonger dans la fosse à pogo.
BLICK BASSY- 1958
(No Format! / Tôt ou Tard)
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Blick Bassy continue de tracer son chemin artistique avec un quatrième album hanté par le fantôme d’Um Nyobè, résistant camerounais assassiné en 1958. Il s’ouvre à l’autre pour se rapprocher de lui-même avec des textes engagés, chantés en bassa (dialecte menacé de disparition). Malgré les sujets sensibles, le LP installe tout de suite l’auditeur dans une ambiance apaisante. Un Sufjan Stevens africain.
INDOOR PETS
– Be Content
([PIAS])
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“I love being strange, it’s an easy thing for me”, clame Jamie Glass dans Being Strange. C’est sans doute chose aussi facile que de composer de la musique capable de faire office de B.O. d’un Teen Movie, tant le disque distribue une énergie communicative. Pour un premier disque, c’est une agréable surprise.
EMMANUEL TELLIER –
B.O. La Disparition d’Everett Ruess
(December Square / Differ-Ant)
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Ce disque du journaliste Emmanuel Tellier accompagne un documentaire en forme de fouille presque archéologique, consécutive à la disparition d’un jeune homme de vingt ans évaporé en 1934 dans le désert américain. L’envie de redonner la parole à celui qui n’est plus là inspire des arrangements entre voile intimiste et envie de grands espaces.
TOWNES VAN ZANDT – Sky Blue
(TVZ Records / Fat Possum Records)
Hier, jeudi 7 mars, Townes Van Zandt aurait eu 75 ans. A cette occasion, TVZ Records et Fat Possum Records publie aujourd’hui onze chansons inédites de 1973. Une petite expédition dans l’intimité de l’auteur de Our mother the mountain (1969), disparu le 1er janvier 1997 mais encore cité par beaucoup comme l’une de leurs références.
LULUC – Dear Hamlyn
(Sub Pop Records)
Sub Pop réédite aujourd’hui Dear Hamlyn, le premier album de Luluc, dix ans après sa parution initiale. On replonge avec délectation dans ce grand moment de délicatesse folk, discrètement funeste – son écriture survint au lendemain de la mort du père de Zoé Randell, moitié du duo avec Steve Hassett. Après une décennie, ce disque n’a pas pris une ride. Admirable.
Born Idiot – Coco Trip
(Born idiot)
Après un premier album paru en 2017, ces cinq rennais dans le vent reviennent avec une petite pépite. Leur EP Coco Trip. Une pop psyché parfaitement exécutée qui se place en savoureux contrepoint breton et solaire aux Parisiens de Brace! Brace!. Au début du mois de février, ils ont dévoilé en exclusivité pour Magic le clip de Lonely Coco Trip.