Factory Benelux sort une version remasterisée de The Guitar and Other Machines, le sixième album des géniaux Mancuniens de The Durutti Column. Une pierre de plus vers la reconnaissance éternelle due à Vini Reilly.
A l’occasion de la réédition augmentée de ce disque de 1987, The Guitar And Other Machines, il serait peut-être temps de reconnaître toute l’importance de ce monsieur bien trop discret qu’est Vini Reilly. Il serait temps aussi de prendre conscience de toute la pertinence, encore bien actuelle, de la musique de The Durutti Column, de cette capacité à résister au temps car le Mancunien n’a jamais voulu être de son temps. Lui qui, depuis toujours, fait un punk atonal, un éloge neurasthénique de la lenteur. On le connait essentiellement pour ses arpèges de guitare savantes qui doivent plus à la musique contemporaine ou l’ambient qu’à l’esprit D.I.Y des années 70.
The Guitar And Other Machines, c’est sans doute la première incursion de Vini Reilly dans le domaine de l’électronique. Noël 1985, son ami et patron de label Tony Wilson lui offre des synthétiseurs. Ce disque est le fruit de quelques expérimentations, accompagné, ici, par Stephen Street et le violoncelliste John Metcalfe. A l’écoute de ce disque, on se sent au croisement d’un chemin entre New Order et le Penguin Café Orchestra. Evitant les pièges d’une production trop appuyée qui rendrait l’ensemble aujourd’hui un brin daté, Reilly utilise les ingrédients électroniques comme des contrepoints, des possibilités supplémentaires de dérives.
On retrouve chez The Durutti Column cette virtuosité discrète, ce goût pour des structures complexes et en même temps limpides. On a souvent limité l’univers de Vini Reilly à des séquences instrumentales. Ce serait oublier les petites contributions souvent bouleversantes de sa voix sur d’autres albums, ici remplacée par Stanton Miranda. A noter également la présence de deux membres d’A Certain Ratio.
Le moins que l’on puisse dire est que cette réédition est plus qu’augmentée avec ses trois CDs réunissant non seulement l’album remasterisé mais aussi l’EP rarissime Greetings 3 et un live absolument exquis du groupe dans sa plus belle formule.
Ne serait-il pas temps de réévaluer la place de Vini Reilly dans la pop (mais pas que) de ces trente dernières années ? Lui dont on trouve d’évidentes influences chez Epic45 ou July Skies, qui sans doute ouvrit quelques portes pour les Cocteau Twins , à Mark Hollis ou encore à toute l’école Slowcore, lui que l’on devrait mentionner dans les pionniers de ce qui deviendrait le post-rock. A qui voudra rentrer dans cette musique large comme un monde en soi, on ne pourra que conseiller le superbe Amigos In Portugal (1983), Short Stories For Pauline (2012) ou encore LC (1981). On peut désormais y adjoindre cette édition luxueuse de The Guitar And Other Machines.
Gregory Bodenes