Trop beau pour être vrai. S’agit-il de la réédition d’un chef-d’œuvre ignoré, un trésor trop longtemps caché ? Dans tous les cas, un disque tombé du ciel. En fait, l’Américaine Natalie Mering n’est pas franchement une débutante. On pourrait évoquer son frère Zak (alias Raw Thrills), mais on n’est guère avancé tant leurs œuvres n’ont rien à voir. Aucun de ses errements passés ne laissait présager une telle réussite : ses quelques mois chez Jackie-O Motherfucker, formation dont on n’a jamais trouvé le fil d’Ariane et qui s’est perdue en route à force de balader l’auditeur ; une participation vocale au morceau Early Birds Of Babylon d’Ariel Pink (Mature Themes, 2012) ; un essai précédent, The Outside Room (2011), qui évoquait les ombres de Nico, Lisa Gerrard et Joanna Newsom (de belles références, mais le tout était traversé d’éléments noise encombrants).
La jeune femme recentre et simplifie aujourd’hui son propos en signant dix titres limpides dans l’inspiration comme dans l’exécution, minimale : la guitare acoustique mène le bal et les percussions sont assourdies. Les effets ne perturbent plus, mais servent l’ensemble, comme les nappes discrètes d’Hang On qui font souffler le vent au loin. Ici règnent la perte, le deuil, la solitude et surtout une voix pluvieuse et sans âge. Élégie acoustique pour voix dédoublée (Bad Magic), Moyen Âge fantasmé (Ashes), folk psychédélique fragile et tordu (Summer), prière païenne et hantée (Requiem For Forgiveness), a cappella ou presque sur fond de piano malade (Some Winters) : Weyes Blood fait le tour de ses obsessions. Et signe une œuvre tout aussi obsédante, l’écoute répétée ne brisant jamais le charme.