This Is Not a Love Song (Tinals), à Nîmes, est vraiment le plus grand des petits festivals, à l’image de la Route du Rock à Saint-Malo. Les deux premières journées en ont apporté une formidable démonstration.
En raison de la qualité de sa programmation comme de son cadre particulièrement convivial, le This Is Not a Love Song (Tinals) est vraiment le plus grand des petits festivals. De la scène Mosquito là-bas tout au fond au Club situé à l’intérieur du magnifique bâtiment de la SMAC Paloma, œuvre de l’architecte Jean-Michel Bertreux, le trajet prend tout au plus cinq minutes. Ce qui permet de passer allègement d’une scène à l’autre sans problème.
On est loin ici de la famille des Vieilles Charrues (280.000 personnes), de Solidays (212.000) ou des Eurockéennes (135.000). Avec ces 20.000 participants environ, le Tinals possède – tout comme La Route du Rock, programmée du 14 au 17 août à Saint-Malô – un rapport qualité de la programmation / nombre de participants que vous ne trouverez nulle part ailleurs et qui permet une proximité avec les artistes inconcevable dans des festivals plus importants.
Magic était donc tout heureux de faire son retour à Nîmes. Et au lendemain des deux premiers jours, on n’a pas été déçu.
Après Paris, Bordeaux, Nantes et Lille, Aldous Harding concluait son périple français à Nîmes. Concentrée, accompagnée d’un groupe d’une précision redoutable, elle a encore donné un concert habité, ponctué de ses habituels rictus et de ses longes plages de silence entre chaque morceau. Comme à la Maroquinerie, le Damn qu’elle joue en duo au piano avec sa claviériste s’est révélé comme un des grands moments de ce concert d’une rare intensité.
La présence à quelques minutes près de deux légendes des années 90 aura constitué aussi un des bons moments du Jour #1 du Festival. Pensez donc ! Affronter le mur sonique de Shellac avant d’aller écouter la quasi-intégralité du « Keep it like a secret » de Built To Spill a permis à quelques lecteurs de Magic, reconnus ici ou là, de fondre littéralement de plaisir. (cf. voir l’article consacré au set de Built to Spill).
Et quand vos oreilles avaient besoin de mélodies un peu plus subtilement troussées, le SuperHomard était là. Doublement là même, puisqu’ils ont pu, auréolés de leur récente virée anglaise, inaugurer le festival par un tout premier concert à 16h avant de rejouer le soir dans un Patio plein à craquer.
La prestation classique et, forcément, de bonne facture de Kurt Vile, celle, énergique, de Caroline Rose ou celle, propre et gentille, de Men I trust ont ponctué une soirée qui a été marqué par deux évènements. Le concert d’abord de Fat White Family qui a rempli comme un œuf la Grande Salle en commençant à jouer à 1h10… Avec un Lias Saoudi charismatique à souhait, la grosse famille blanche a montré qu’elle était désormais installée parmi les valeurs sûres de la scène pop.
Quant à la prestation de CHAI, ce quatuor de jeunes nippones venues de Nagoya, elle fut un peu notre « Kechiche de Cannes », notre petite polémique du jour. Entre ces lecteurs de Magic qui ne sont restés que quelques minutes avant de sortir d’une salle dans laquelle 200 personnes tentaient vainement d’entrer et ceux qui s’extasiaient de l’énergie délirante de ces japonaises qui sur scène bougent, virevoltent, éructent sur fond de pop-électro somme toute banale, l’incompréhension mutuelle fut totale ! Jules Vandale revient plus loin sur la « hype » de la soirée.
Le Jour #2 s’annonçait aussi « magic » que le premier. Courtney Barnett en tournée depuis maintenant plus d’un an avec son « Tell me how you really feel » n’a fait qu’apporter une preuve supplémentaire qu’elle était la plus grande artiste rock du moment. Qui, de plus, semble plus détendue avec un public qu’elle n’hésite pas à interpeller comme ici quand elle a posé la question de savoir quel avait été leur concert préféré depuis le début du festival. Evidemment, la foule crie « Courtney ». Non, mais à part moi, fait-elle. Le public hurle alors un galimatias informe de réponses toutes aussi différentes et, elle, de répondre laconique : « Ok, it’s a good selection » déclenchant les rires d’une foule à laquelle elle demandera aussi : « Did you see Kurt Vile yesterday ? ». En référence à celui avec lequel elle produit un disque en duo en 2017.
Un peu avant, Big Thief (photo), sous une chaleur caniculaire, avait délivré sa folk plus électrique que jamais. Laissant en transe notre voisin qui eu la bonne idée de nous délivrer par cœur les paroles de Masterpiece…mais tout à fait avec la même subtilité que Adrienne Lenker.
Les coréens de DTSQ semblent avoir convaincu la Grande Salle pleine à craquer avec leur pop psyché et …leur humour. En plein milieu du concert, le chanteur brandit son téléphone portable, le colle contre le micro et en sort la voix numérique d’un Translator qui annone : « Je suis venu pour la première fois à Nîmes et c’est très gentil… ». Devant un public hilare qui comprend que le « gentil » doit sortir d’une traduction approximative de « nice »… Ceux-là, vous pourrez les retrouver le 12 juin sur la scène du Supersonic à Paris pour vous faire une idée de cette K-Pop un peu particulière.
Lou Doillon a tenu la scène près de 50 minutes pour un show à l’image de son album : un talent indéniable à défaut d’une inspiration très originale. Quant à James Blake il a fait du James Blake. Ce qui a semblé plaire à ceux qui aiment James Blake.
Mais le choc de ce début de soirée a eu lieu dans la petite salle du Club. Une jeune américaine de 23 ans, Sarah Beth Tomberlin, est arrivée sur scène sapée comme une fille de baptiste ce qui est somme toute logique pour celle qui fut élevée jusqu’à l’âge de 16 ans dans une famille de baptistes de l’Illinois. Point commun qu’elle partage avec l’autre phénomène de l’année, Natalie Mering (Weyes Blood) née dans une famille de chrétiens born-again. Reste à avoir si elles ont été inspirées par Dieu ou si au contraire la musique fut leur seul échappatoire pour se libérer de son emprise… Le fait est que Tomberlin a subjugué l’assistance avec son indie folk de très haut niveau et sa voix douce et puissante à la fois. Il va devenir urgent de se plonger dans son « At your wedding » paru chez Saddle Creek en 2018.
Texte : Luc Broussy
Photos : Titouan Massé
Jusqu’à la fin du festival, l’abonnement annuel à Magic est à 39 euros !