Alors que les fêtes se rapprochent et que notre trimestriel de fin d'année suit le même chemin, Magic laisse la parole à ses journalistes pour que ceux-ci vous présentent leur classement des pépites de 2024. Ici, Jules Vandale nous raconte comment il a été un peu (beaucoup) "Brat" mais pas que.
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Oubliez le traditionnel «Mais du coup, toi, t’es de gauche ou de droite ?». Le principal clivage observé dans nos sociétés occidentales postmodernes, en ce long été 2024, tient plutôt du «Mais du coup, toi, t’es Brat ou t’es pas Brat ?». Personnellement – du moins, du 7 juin jusqu’à, approximativement, la mi-septembre –, j’ai été Brat. D’abord immensément, durant les premières semaines de sa sortie – rien de plus jouissif que de se prendre pour la terreur du mode joueur contre joueur de World Of Warcraft en écoutant Sympathy Is A Knife ou le remix de Girl So Confusing avec Lorde –, puis un peu moins, parce que, merde, l’été ne doit pas être éternel – sinon, où trouverait-il son plaisir ? – mais toujours un peu, quand même. Le monde entier, d’ailleurs, semble avoir été Brat main dans la main avec Charli XCX, mais je pense que le trimestriel de fin d’année qui arrive prochainement sous vos yeux saura vous l’expliquer mieux que moi.
J’ai été Brat, mais j’ai aussi été beaucoup de choses. 2024 aura été, dans sa pratique, une année moins révolutionnaire pour ma perception de la musique qu’a pu, par exemple, l’être 2023. Elle aura plutôt consolidé mes récents acquis, et ce, de fort belle manière. Prenons par exemple The Foreign Department, de Astrel K, album de divorce mais surtout disque de «pop orchestrale de fin d’hiver et de fin de passion», deuxième bijou composé dans les brumes suédoises par Rhys Edwards, autrement leader de Ulrika Spacek – que j’avais redécouvert grâce à un Compact Trauma qui fut en troisième place de mes projets favoris de l’année passée. Astrel K, qui talonnait Ulrika Spacek dans le classement de mon Spotify Wrapped 2024, ce que l’intéressé n’a pas manqué de saluer. Dans la catégorie «projet solo d’un membre d’un groupe redécouvert en 2023», il y a aussi, évidemment, le Manning Fireworks de MJ Lenderman, voyant le guitariste de Wednesday, formation de son ancienne dulcinée Karly Hartzman, prendre une lumière tout aussi brillante que son jeu de guitare country façon loser magnifique.
2024, c’est aussi le retour de vieux copains. Certains, sous une nouvelle forme, comme Geordie Greep, qui, échappé – un temps seulement ? – de black midi, amorce un New Sound. Un New Sound qui, conservant certains aspects du tentaculaire jazz-art-punk de sa bande passée, y adjoint une bonne dose d’influences caraïbo-latines au-dessus desquelles Greep débite, avec un phrasé «de théâtreux bourré» – pas moi qui le dis –, des histoires d’amour aussi bizarroïdes et déchirantes que le diptyque As If Waltz / The Magician, mais aussi une critique du masculinisme décomplexé.
Autres potes perdus de vue depuis deux ans, Crack Cloud délivrent avec Red Mile une des plus belles et clivantes métamorphoses de ces 365 derniers jours. Le groupe précurseur du mouvement crank wave n’a plus rien à voir avec le post-punk artisanalement agressif de ses débuts, lui préférant un art-rock luxuriant et plus communautaire que jamais. Dans le même sac de retrouvailles heureuses, trois groupes plutôt silencieux depuis au moins trois ans et dont les récents projets m’ont rappelé pourquoi j’attendais avec impatience de les recroiser dans le tableau des sorties de Magic. Les Bryan’s Magic Tears, plus baggy et acid house que jamais, tiennent avec Smoke & Mirrors le quatrième épisode d’une discographie quasi sans faute, Dummy se place avec Free Energy en véritable revival encore plus psychédélique à Stereolab et consorts, tandis que Drahla, sans réinventer la roue du post-punk post-2019, nous offre avec angeltape le genre de musique angulaire et parfois bien vénère qu’il faut pour se sentir comme le personnage principal de son existence.
Et puis, enfin, 2024 aura été source de beaucoup de découvertes – normal, vous me direz, quand c’est votre métier. Il y en aurait beaucoup à citer, comme Chanel Beads, Triage, Untitled (Halo) – comment ça, ces groupes se ressemblent tous ? –, Hotline TNT (bon, c’est de 2023 mais ça compte dans les découvertes), Cindy Lee ou encore Honeyglaze. Mais la plus brillante d’entre elles est peut-être la plus bizarre de toutes – YOU’LL HAVE TO LOSE SOMETHING, nouveau coup de folie de SPIRIT OF THE BEEHIVE, qui fait mumuse avec des samples et tout plein d’autres trucs, histoire de nous casser le cou avec des morceaux montagnes russes. Des montagnes russes qui résument plutôt bien ce que j’aurais pensé de cette année 2024. On remet ça ?
PS : J’en entends dire au fond «Jules, pourquoi tu ne parles pas de EggS alors que c’est dans ton top 10 ?» – j’essaie d’éviter le conflit d’intérêts, merci. Mais écoutez EggS, c’est très cool.
Le Top 10 de Jules
- CHARLI XCX – Brat
- ASTREL K – The Foreign Department
- CRACK CLOUD – Red Mile
- SPIRIT OF THE BEEHIVE – YOU’LL HAVE TO LOSE SOMETHING
- MJ LENDERMAN – Manning Fireworks
- DUMMY – Free Energy
- GEORDE GREEP – The New Sound
- DRAHLA – Angeltape
- EGGS – Crafting Achievements
- BRYAN’S MAGIC TEARS – Smoke & Mirrors