“J’ai l’impression que nous avons travaillé sur cet album toute notre vie. C’est tout ce que nous avons toujours voulu faire.” Les annonces du duo suédois pour appâter le chaland en prévision de son troisième effort se posent là. V serait le point d’orgue d’une discographie et d’une carrière idéales. Un parcours commencé dans le secret, les protagonistes se dévoilant progressivement à la seule force de la musique. Ainsi, dans la grande tradition fumeuse de la maison mère Sincerely Yours, Joakim Benon et Elin Kastlander n’ont révélé leur identité qu’à reculons en 2010, dans la foulée du succès critique de leur premier essai N°2 (2009). Quatre ans après sa dernière apparition sur long format – seuls un 45 tours et un EP paradisiaques ont rompu le silence en 2012 –, que reste-t-il du tandem jj une fois débarrassé de l’attrait du mystère et de l’émerveillement des premiers pas ? La réponse est simple et rassurante : à peu près la même chose.
Légèrement plus grandiloquent que ses prédécesseurs (Dynasti, ouverture théâtrale avec cordes et nappes synthétiques pour un romantisme foudroyant mais cucul), V démontre surtout que l’approche unique de la pop par jj a toujours une signification profonde dans la musique de notre époque. En jonglant entre langueur atmosphérique et rythmes baléariques, en mêlant sans peur ni complexe la pop la plus noble et celle la plus putassière (arpèges précieux pour Innerlight, guitares peu finaudes pour All Ways, Always, l’autotune ici ou là), Joakim et Elin rappellent qu’ils sont les meilleurs pour affiner la poreuse frontière entre musique raffinée et mainstream. V multiplie les moments savoureux, entre bonheur glacial, beats chauds comme la braise et hip hop chanté à la manière de Tracey Thorn – la palme revenant à l’intro d’Innerlight, fin mélange de crânerie et de sensiblerie : “When I’m up in da club/I won’t be on them drugs/But if you show me love/You might get a hug/But if you dont, then I won’t care at all”. jj ou la pop moderne libérée.